Aujourd’hui, l’essentiel des recettes se concentre majoritairement sur des productions américaines alors que les films indépendants ont du mal à se faire connaitre du public. Quant à la télévision, en attribuant ses propres critères, elle contribue à sinistrer le cinéma français, se refusant à programmer les films dont elle juge l’audience en salles insuffisants. Où est la liberté des réalisateurs face à cette double censure de l’audimat, du « prime time » et du « ciné-chiffres »?

Le récent rapport Bonnell sur le financement de la production et de la distribution cinématographiques a eu pour mérite de rappeler des problématiques déjà connues de tous, en émettant une série de propositions plutôt controversées dans la profession.

Il est néanmoins un fait qui n’est remis en cause par aucune des parties de l’industrie cinématographique : « Au fil des années sest instituée une véritable fracture au sein de la production entre une cinquantaine de films [] qui concentrent les plus gros investissements des diffuseurs, bénéficient du soutien des groupes ou des gros distributeurs et une production qui se paupérise. » En dépit d’un paysage français particulièrement riche, il en résulte une « partition très déséquilibrée des investissements entre les films », doublée d’une « inégalité daccès aux moyens de distribution et de programmation des films ».

Un enjeu majeur : la diffusion

Cette dernière inégalité fut à l’origine de l’association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid), mise en place par des cinéastes professionnels. « Notre soutien porte essentiellement sur la diffusion de films indépendants qui ne dépassent pas les quarante copies, en travaillant étroitement avec les distributeurs et exploitants, confie Pierre Gras, délégué général de l’association. Nous organisons également une programmation parallèle à Cannes de neuf films, avec ou sans distributeur, des projections hebdomadaires dans des salles parisiennes en présence du réalisateur… » Le travail de l’Acid porte sur la notoriété du film et du réalisateur, mais non sur le financement.

Il appartient théoriquement aux sociétés de production de garantir l’équilibre budgétaire, mais comment tirer bénéfice de films dont les frais de promotion sont de vrais gouffres financiers ? Si les producteurs peuvent anticiper, il n’est pas rare que les réalisateurs ne reçoivent rien ou presque, à l’exception des droits d’auteur qu’ils auront âprement négociés auparavant.

Précarité économique des artistes

« Dans le cinéma documentaire, par exemple, il est rare de trouver quelquun qui vit de son travail, raconte Maria Bonsanti, directrice artistique du festival international Cinéma du Réel. La plupart des cinéastes sinvestissent également dans l’éducation à limage, enseignent dans des écoles de cinéma Lorsquils choisissent de tourner un film, ils simpliquent dans leur sujet. Leffort économique et financier est souvent très fort ; leur indépendance, plus quun simple investissement, est un choix de vie radical. »

Ce choix n’est pas sans conséquences : Cheyenne Carron nous raconte sa difficile quête d’un mécène ; Guillaume Kozakiewiez a sagement choisi le statut d’intermittent ; d’autres disposent d’un travail alimentaire parallèle, telle Marie-Pierre Brêtas, ce que confirme Pierre Gras : « Je connais même un réalisateur qui est médecin ». L’indépendance se conquiert la caméra au poing. « Cest une profession à part entière, qui devrait permettre de vivre et gagner sa vie », conclut à regret Maria Bonsanti.

Pierre MONASTIER

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