Marcel Bozonnet occupe une place bien à part dans le paysage théâtral français. Portrait d’un comédien dont les institutions les plus prestigieuses n’ont pas étouffé la soif d’engagement.

Comédien, metteur en scène, acteur au cinéma et à la télévision, directeur du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, sociétaire puis administrateur de la Comédie-Française, à 67 ans Marcel Bozonnet a réalisé à peu tout ce qu’un artiste de spectacle vivant, un comédien, peut rêver de faire.

Venu au théâtre dès le lycée par passion de la poésie, ce natif de Semur-en-Auxois n’aurait jamais pensé faire une telle carrière. « Ce sont les circonstances qui m’ont amené à ce que j’ai réalisé, admet Marcel Bozonnet. Et une part de chance et de hasard. Beaucoup de grands acteurs vous diront la même chose. » Une chance qui lui a permis de faire de belles rencontres (Antoine Vitez, Klaus Michael Grüber…), qui lui a permis de décrocher son premier rôle en 1966 et de fil en aiguille, de pouvoir pousser les portes de la Comédie-Française en 1982. En 1986 il en deviendra sociétaire et restera dix ans au sein de la Maison de Molière.

L’indépendance retrouvée

Directeur du Conservatoire national supérieur d’art dramatique à partir de 1993, Marcel Bozonnet revient au « Français » en 2001 en tant qu’administrateur général. Evincé en 2006 par le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres, à la suite de polémiques concernant le comportement d’un auteur, le très discuté Peter Handke, Marcel Bozonnet n’a pas pour autant tiré sa révérence au public, bien au contraire. Son indépendance retrouvée lui a donné l’occasion de remonter sur les planches. En solo puis en montant un petite troupe, les Comédiens voyageurs.

Loin des grands théâtres parisiens, « on joue dans les théâtres hors les murs, explique Marcel Bozonnet. On joue dans des salles des fêtes, dans les gymnases des lycées. Avec les nouvelles technologies on peut sonoriser n’importe quel espace aussi bien qu’une salle de spectacle ». Après Gavroche, rentrons dans la rue, au Centre Dramatique national Thionville-Lorraine et Baibars, le mamelouk qui devint sultan, une nouvelle pièce est en cours de montage produite avec le bureau de théâtre, Les petits ruisseaux. Il s’agira d’une pièce Chocolat, clown nègre, relatant l’histoire d’un célèbre clown de la Belle Epoque, avec en toile de fond les questions de racisme et d’intégration, et qui sera présentée l’an prochain à la Maison de la culture d’Amiens. Visiblement l’heure de la retraite n’a pas sonné pour ce comédien toujours engagé qui s’insurge contre le fait que ce sont toujours les représentants des mêmes classes sociales qui vont au théâtre.

Depuis le début de sa carrière, il y a presque cinquante ans, Marcel Bozonnet estime que le théâtre s’est fortement décentralisé avec beaucoup plus de lieux de spectacle dans les régions et nettement plus d’acteurs et de personnels au service de la culture. Pour autant, il considère qu’il reste un élitisme à briser, des habitudes à bouleverser, pour permettre « une égalité des citoyens devant la culture ». Toujours l’engagement…