Entretien avec Greg Germain président de l’association « Avignon Festival & Compagnies – Le OFF »

Dans quelques jours s’ouvrira le festival « Off » d’Avignon, l’un des temps forts, et sans doute le principal, du spectacle vivant pour cet été. Coup de projecteur sur ce moment exceptionnel et pourtant si mal connu.

Quel est le rôle d’Avignon Festival & Compagnies – Le OFF ?

Greg Germain : – Le rôle d’Avignon Festival & Compagnies – Le OFF est de pérenniser le festival Off et de faire en sorte que ce festival trouve sa place naturelle en tant que plus grand festival de France. Car c’est le plus grand festival de France en nombre de compagnies, en jours de représentations, en esthétiques théâtrales. C’est par exemple le plus grand festival « jeune public » puisqu’il y avait l’année dernière 142 pièces « jeune public ». C’est aussi le plus grand festival d’auteurs contemporains en France, le plus grand festival recevant des pièces étrangères en France. Nous voulons qu’il trouve sa place naturelle et qu’il soit traité comme ce qu’il est, c’est-à-dire un festival de diffusion, un festival de création et un festival de réflexion.

Précisément, que cherchent les compagnies qui viennent au « Off » ?

Greg Germain : – Ce sont des compagnies qui viennent là pour être diffusées, pour faire voir leur spectacle. Une compagnie vient à Avignon vient pour plusieurs raisons qui sont absolument majeures à mes yeux. la première des raisons est évidente : pour montrer leur spectacle et pour le vendre. Les compagnies viennent à Avignon parce que c’est devenu le plus grand salon du théâtre de France. Vous pouvez jouer dans un petit théâtre à Paris pendant six mois, il n’y a pas un seul programmateur, pas un seul diffuseur qui va venir vous voir. A Avignon, il y a 4000 professionnels de la presse, des médias, des prescripteurs, des décisionnaires, des tourneurs qui viennent faire leur marché. Le Festival Off d’Avignon irrigue le territoire national DOM et TOM compris, ce qui est extrêmement rare. Lorsqu’on parle culture, les DOM et les TOM sont généralement oubliés. Je suis personnellement originaire de Guadeloupe, je sais de quoi je parle. Aujourd’hui nous savons qu’il y a 30 millions d’euros de vente à chaque festival. Le « Off » d’Avignon irrigue le territoire national à hauteur de 20%. C’est-à-dire que dans un théâtre qui jouerait dix pièces, au moins 2 de ces pièces seraient achetées à Avignon. La deuxième raison, c’est qu’il permet un maillage culturel absolument unique. A quel autre festival une compagnie de Bretagne pourra-t-elle voir jouer une compagnie de Guadeloupe ? A quel autre festival une compagnie de Guadeloupe pourrait-elle voir jouer des Alsaciens, des Bretons, puisque nous savons aujourd’hui que les 26 régions de France (DOM-TOM compris) sont réunies à Avignon pendant le mois de juillet. C’est le festival où peuvent se croiser tous les imaginaires de notre nation. La troisième raison, pour moi capitale, c’est qu’ici on joue dans la durée. Quand on fait 24 représentations, on peut explorer le métier qu’on fait, c’est-à-dire explorer son jeu d’acteur pour un personnage, explorer sa mise en scène, voir, pour un auteur, comment le public réagit sur ces 24 représentations. Nous savons par les chiffres du ministère de la Culture, qu’en France, une pièce est jouée en moyenne 7 fois. Surtout, l’un des intérêts du festival est de jouer devant du public. Parce que, là c’est un public averti, un public de professionnels. Vous pouvez être sûr que vous testez votre pièce non pas devant vos parents et vos amis, mais des gens qui viennent de partout en France et qui pourront vous dire si votre pièce est bien. Enfin, j’hésite évidemment à parler d’argent. Mais quand 6000 artistes se posent pendant 40 jours dans la même ville, eux et le public injectent de l’argent, un argent qui profite à toutes les collectivités, y compris à la collectivité nationale.

Pourtant, les médias parlent relativement peu du « Off ». Pourquoi ?

Greg Germain : – Ce festival qui est d’une si grande importance au niveau régional et au niveau national, le plus grand festival d’auteurs contemporains (697 pièces d’auteurs contemporains cette année !) on n’en entend pas parler. Pourquoi ? Parce que tout simplement on nous reproche d’être pauvres. Comme ce n’est pas un festival qui est soutenu par les institutions, comme ce n’est pas un festival qui a été agréé, par un ministère ou une grande instance, on n’en parle jamais et nous avons décidé de réparer cette injustice. On peut nous traiter de «Zorros», voire de «Zozos», mais, depuis quatre ans que nous existons, nous sommes passés à la vitesse supérieure.

Qu’est-ce qui est aujourd’hui à améliorer dans le Off ?

Greg Germain : – Il faut que nous poursuivions nos efforts pour l’accueil des professionnels, mais aussi celui du public. Ce festival n’est pas un simple festival d’exposition, un simple salon de théâtre. Si l’on regarde ce que nous proposons cette année, C’est un festival de réflexion, un vrai forum. Qu’est ce qu’il nous reste à développer ? Il nous reste développer cette agora, ce forum permanent qui va faire qu’Avignon «Off» prendra véritablement toute sa place en ce qui concerne les propositions de perspective. Nous avons tous les atouts pour cela. Nous avons un rôle majeur à jouer dans le diagnostic sur l’état de la création, dans la réflexion sur les perspectives et dans l’impulsion pour des initiatives fortes, indépendantes et uniques. C’est cela qui, pour moi, est important. Nous devons continuer sur le plan logistique, sur le plan de la communication. Il ne faut pas que l’on entende parler du festival Off d’Avignon, seulement à partir du mois de juin et pendant le mois de juillet. Nous devons développer des actions pour faire parler du «Off», et il y a des moyens d’une grande simplicité pour cela, pendant le reste de l’année. Nous devons poursuivre nos efforts pour prévenir les professionnels. C’est simple, vous savez : quand les professionnels vont à Cannes, ils sont bien traités, ils ont des endroits où ils peuvent écrire, se réfugier… Nous devons faire tout cela, c’est important. Et puis il y a l’accueil des troupes. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en œuvre ce village du Off qui permet justement ces rencontres, cette agora avec des actions culturelles et des temps très forts, comme des tables rondes, des paroles publiques. A travers ce genre d’actions, le théâtre interroge notre société, et c’est là son rôle.

 

Propos recueillis