Monsieur le ministre,

Quand vous avez pris vos fonctions en 2009, Profession Spectacle par son éditorial intitulé : « Bienvenue Monsieur le ministre de la Culture » montrait l’espoir et l’enthousiasme que suscitait chez les professionnels du spectacle votre nomination à de telles responsabilités.

Nous espérions notamment que vous vous pencheriez sur le régime des « intermittents » du spectacle et de l’audio-visuel, perçus par vos prédécesseurs au service exclusif du MEDEF, comme les inutiles, les parasites, les pique-assiettes du système. Nous pensions naïvement peut-être que vous alliez réfléchir, faire évoluer, voire réformer l’économie générale du monde de la culture.

Au lieu de cela, quand Bercy, s’appuyant sur les « statistiques » de Pôle Emploi montre d’un doigt accusateur les « intermittents » du spectacle en les présentant comme des profiteurs du système de solidarité sociale du pays, quand la presse économique notamment, les désigne avec un rictus dédaigneux comme des assistés bénéficiaires des cotisations de ceux qui travaillent honnêtement, permettez-nous d’être étonné du silence assourdissant de notre ministère de tutelle.

Et l’on voit des députés de votre majorité se livrer à des discours vengeurs et virils contre ce qui semble être devenu l’exemple significatif du dysfonctionnement de notre système de solidarité. Mais, puisqu’on en parle, il y a effectivement un scandale.

Le mode de calcul ne prend en effet en compte que les 105000 dont le différentiel entre les cotisations et les indemnisations fait monter le déficit à 1,054 milliards en 2010.

Quel est ce mode de calcul concernant une profession qui ne prend en compte que les chômeurs partiels que sont les « intermittents » ? En effet, cette appellation ne désigne pas un métier, mais une situation de chômage récurrent.

Les métiers qui se cachent derrière ce dénominateur social commun, sont : technicien son ou lumière, décorateur, metteur en scène, monteur, artiste lyrique…. C’est-à-dire professionnels du spectacle vivant et de l’audiovisuel.

Nous pensons que la solidarité doit s’exercer à ce niveau là. Autrement dit il convient de prendre en compte également dans le calcul effectué par vos technocrates, les 280.000 permanents du spectacle (chiffre de la Cour des comptes) dont nous estimons prudemment le bénéfice des cotisations à envi ron 800 millions d’euros qui doivent venir en tout état de cause en déduction du déficit abyssal annoncé des intermittents.

Rappelons au passage que les permanents ne pourraient exercer sans l’apport des « intermittents » auxquels l’industrie du spectacle et de l’audiovisuel recourt constamment.

Si en plus, en toute logique, on considérait, non pas des chiffres sans grande significa tion, mais le coût par individu, en dehors de quelques abus à la marge, on réaliserait que beaucoup d’ »intermittents » ne se contentent pas de percevoir des indemnités, mais utilisent aussi leurs compétences dans des « petits boulots » qui dépendent du régime général dans lequel ils paient des cotisations qui ne sont pas comptabilisées dans les chiffres de Pôle emploi.

Il résulte de tout cela que l’on assiste à un lynchage gouvernemental des « intermittents » totalement injustifié (si tant est qu’un lynchage puisse être justifié).

Cela ressemble à ces vieilles stratégies de la grande guerre, qui consistaient, avant l’envoi de l’infanterie, à effectuer un pilonnage d’artillerie.

Il apparaît clairement pour nous, que les pouvoirs publics préparent par ces dénonciations massives et habilement diffusées à la presse servile, une réforme qui viserait à faire entrer les « intermittents » dans le régime général.

Nous serons vigilants, Monsieur le ministre. La protection et l’amélioration du système de solidarité sociale doivent permettre de préserver le dynamisme culturel de notre pays. Nous ne laisserons pas saccager notre profession par des comptables à la vue basse et des politiciens en quête de voix pour les prochaines échéances.

La mise au pilori des « intermittents » aurait non seulement pour effet de menacer l’ensemble de la profession, mais encore, remettrait en cause la diffusion culturelle dans les endroits les plus reculés du territoire national où seule la télévision accède avec ses programmes pour le moins « inégaux ». Croyez-vous en effet que, malgré la déconcentration culturelle s’appuyant sur les « DRAC », sans les « intermittents » , les enfants des écoles primaires de certains petits villages ruraux pourront découvrir les créations artistiques constitutives de notre culture commune ?

Notre journal : « Profession Spectacle » offre volontiers son aide à vos services ministériels pour développer cet argumentaire et apporter tous les éclairages que vous pourriez souhaiter.

Veuillez croire, Monsieur le ministre, à nos sentiments respectueux et dévoués.