L’association Art Attitude sur le plateau de Sartrouville a vécu une année 2012 tourmentée, menacée de fermeture par des subventions qui, comme un peu partout, se tarissent. Pourtant, si le gouvernement actuel a fait de l’éducation sa priorité, il n’y a pas que l’école qui transmet savoir et valeurs. Profession Spectacle vous propose d’en découvrir un bel exemple.

artattitudeLes percussions résonnent toujours place Jacques Brel, tout comme les mélodies hésitantes au piano ou à la guitare. L’association Art Attitude était à deux doigts de disparaître, mais son cœur bat encore. Depuis 2003, elle offre aux enfants du Plateau de Sartrouville la possibilité de s’évader en apprenant la musique ou le théâtre. “Elle a été créée pour combler un manque de structures pour occuper les jeunes”, se rappelle Noureddine Boukandoura, fondateur et responsable de l’association. Malgré les difficultés à trouver des aides et rattraper une année 2012 durant laquelle l’activité à été partiellement suspendue, il garde la foi, convaincu de l’importance des valeurs transmises dans ces locaux trop étroits.

L’expérience de l’association auprès des populations de quartiers classés “Zone sensible” a permis l’élaboration d’une pédagogie de proximité. Ainsi aujourd’hui, plus de 150 familles bénéficient de cours de piano, de guitare, de batterie ou encore de percussions pour leurs enfants. L’association met également à la disposition de ceux qui veulent aller plus loin et réaliser leur rêve, un studio d’enregistrement. Mais ici, ce qui fait l’originalité, c’est que tout se fait à l’envie. Chaque enfant peut choisir sa voix, son morceau, son style. “Mais attention, ce n’est pas pour autant que les bases ne sont pas acquises”, prévient Noureddine.

Sortir du moule, pour forger le caractère

Sans adopter un discours “vieux jeu”, c’est aujourd’hui un constat. Les goûts des enfants deviennent à chaque génération un peu plus semblables. Les musiques écoutées dans la cour de l’école, sont souvent les mêmes, tout comme les styles vestimentaires, sans parler des programmes télévisés devenus l’un des principaux sujets de conversation. “Il n’y a plus de différenciation. Avant on pouvait retrouver dans une même cour des fans de Deep purple, côtoyant ceux de Dave ou de Claude François”, constate un peu désabusé Noureddine. Comment dans ces conditions permettre à l’enfant de trouver sa place. L’une des réponses se trouve dans la pratique d’un art, que ce soit la musique ou bien le théâtre. “Avec ce que l’on transmet ici, on Art attitudedonne aux enfants les clés pour se forger un caractère. On ouvre des portes vers des horizons différents. C’est ensuite aux enfants de faire leur choix.” Une manière de développer leur sens critique en préférant le “j’aime… je n’aime pas” au lieu du simple “c’est nul”, l’apprentissage du respect en somme.

Mais la pratique d’un art va bien au delà, c’est aussi l’ouverture vers les autres, en oubliant les barrières que peut dresser la société. Deux personnes d’origines complètement différentes se retrouveront autour d’une guitare, d’un piano, et communiquer via la musique. C’est ce qui se passe lors des “Jam-sessions”. Le temps d’une soirée, la scène de l’association est ouverte, animée par un premier groupe, ce dernier passe ensuite le relais à d’autres musiciens, de tous niveaux.

La fierté des parents

Apprendre à jouer d’un instrument, c’est aussi apprendre le goût de l’effort. Il faut être ponctuel aux cours, bien tenir son cahier, répéter ses gammes. Des notions de base qui portent leurs fruits à l’école. “Par le biais de la musique, ils se rendent compte de leurs capacités et pour la première fois se surpassent.” Plus encore qu’à l’école, la récompense est bien visible avec la satisfaction de savoir jouer un morceau que l’on aime.

Cet enthousiasme touche les enfants mais aussi leurs parents. Pour eux, c’est une grande fierté d’avoir un fils ou une fille qui sait jouer du piano ou de la guitare. Certaines familles “se saignent” pour pouvoir offrir à chacun de leur enfant des cours. “Ils disposent de peu de moyens, alors parfois on s’arrange… Si l’envie est là… il faut trouver les moyens pour la conserver”.

Le combat pour survivre continue

“Je ne sais pas si les gens qui nous gouvernent se rendent compte de ce que l’on fait ici.” Nourredine est amère en observant la construction-extension du théâtre de Sartrouville, voisin de l’association, un projet à plusieurs millions d’euros.

En effet depuis 2010, la situation s’est compliquée pour l’association. Une subvention de la ville de 29 000 euros a, dans un premier temps, été amputée de moitié avant de complètement disparaître. Résultat, en juin dernier, Nourredine ainsi que les professeurs ont été licenciés, ce qui ne les a pas empêché de terminer bénévolement l’année. Des professionnels qui privilégient leur passion et leur envie de transmettre, avant leurs propres besoins. “Le professeur de piano a ainsi joué avec Claude François, Jean-Michel Jarre… Ce n’est pas forcément évident pour lui. Et si on laisse tomber, on ne retrouvera jamais des passionnés comme eux, généreux de leur temps avec les enfants.” Depuis, une subvention exceptionnelle de 30 000 euros débloquée par la Mairie de Sartrouville a permis de sauver provisoirement l’association. Cependant, cette aide demeure conditionnée à une réflexion à mener pour permettre de réamorcer la participation d’autres financeurs. En attendant des jours meilleurs, l’association prépare la rentrée prochaine.

Jacques GUILLOUX

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