CalixteDepuis l’arrivée du numérique, la profession d’ingénieur du son en salles de spectacles est en pleine évolution. Cependant les fondamentaux du métier ne changeront jamais, selon Samuel Calixte, qui officie à « La Luciole », à Alençon (Orne). 

« La Luciole », installée près du centre ville d’Alençon, compte parmi les quelque cinquante lieux labellisés « Scène de musiques actuelles structurante » en France. Elle dispose de deux salles, l’une de 650 places, l’autre, à l’ambiance « club » plus intime, de 300 places. À la tête de la régie son, opère Samuel Calixte, dit « Sam », 37 ans et pas loin de 15 ans de métier.

Sam est un gars de la vieille école : de celle où, justement, il n’en existait pas. « Au départ j’avais une formation de musicien, raconte t-il. Quant au style, j’ai fait beaucoup de rock, je jouais aussi bien de la basse que de la batterie ».

Il se rend vite compte que, s’il veut continuer à évoluer dans le monde du spectacle, il y parviendra mieux en travaillant le son qu’en continuant à jouer. C’est ainsi qu’il commence à travailler, en autodidacte, à la sonorisation. « À la base, c’est plus roots », dit-il à propos de cette auto-formation ; mais cette base a été solide. Question pratique, il fait quelques stages . Vivant à Alençon, il a la chance d’être pris en Contrat emploi solidarité à La Luciole, où il travaille sur le son. Un stage emploi à l’Elysée Montmartre lui fait découvrir la régie son de cette fameuse salle parisienne, mais ce n’est que pour mieux repartir vers la Normandie : en décembre 1996, Sam a un gros coup de chance. « Le directeur de la Luciole, qui m’avait bien connu, m’a contacté et m’a demandé de remplacer l’ancien preneur de son, qui partait à Paris ». Un contrat à plein temps, avec CDI a la clé, comme régisseur du son, ça ne se refuse pas ! Contrairement à pas mal de nombreux confrères, Samuel Calixte n’aura pas à courir après les grou- pes ou les salles pour décrocher des contrats ; de surcroît, ce n’est pas un travail routinier, au contraire : « Le son, dit-il avec passion, c’est un travail de spontanéité. Quand tu fais du son, tu n’écoutes pas le style musical : tu es au-delà de la musique. En clair, je m’éclate autant à repiquer le son d’un piano que celui d’une batterie. »

 

Un métier en pleine mutation numérique

En presque quinze ans de métier, Sam a vu quelques changements notables le concernant. Les groupes qui viennent ayant souvent leur propre ingénieur, il s’occupe de moins en moins du son et de plus en plus de l’accueil et présente son matériel aux groupes en tournée. « Des raisons d’ordre budgétaire sont probablement à l’origine de cette évolution », dit-il. Le gros changement auquel ont été confrontés les ingénieurs du son, que ce soit dans le spectacle ou le cinéma, est lié à l’arrivée du numérique. « Il a révolutionné le monde du spectacle », souligne Sam. Auparavant, avec l’analogique, tous les ingénieurs du son travaillaient à peu près sur le même matériel. Le matériel le numérique induit un changement total de comportement : « Maintenant, la table de mixage, c’est un ordinateur. La différence ? Dans une soirée, deux ou trois groupes vont jouer sur scène. Toute la balance des sons est réglée et enregistrée l’après midi et, le soir, il n’y a plus qu’à laisser dérouler. A l’époque de l’analogique il fallait être là au moment où le groupe jouait, pour régler chaque morceau. »

Pour autant, Sam ne se dispense pas d’être présent lors des concerts… au cas où ; mais il est clair que l’ère du travail en temps réel, où la présence du régisseur du son « maison » était requise, appartient désormais au passé. Ce qui n’est pas non plus sans conséquences sur la négociation des contrats avec les artistes en tournée…

Autre révolution, moins spectaculaire en apparence, mais tout aussi profonde : l’apparition prochaine d’un statut d’ingénieur du son. Pour Sam, comme pour beaucoup d’autres ingénieurs du son qui se sont formés sur le tas, ce statut, lié à la formation en école de plus en plus systématique, n’est pas spécialement inquiétant. « Je crois que c’est une manière beaucoup plus rapide et beaucoup plus directe d’apprendre le numérique. Dans les écoles de formation, on aborde l’analogique et le numérique de front, ce qui permet un gain de temps. Il est plus long de se former sur le tas. »

Il reste donc confiant quant à l‘avenir de la profession ; car si « la robotisation a induit des suppressions de postes, le numérique n’a pas fait disparaître le métier. On aura toujours besoin de sonorisateurs ».

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