Parmi les nombreuses superstitions qui se rattachent à la scène, il y a celle qui concerne le vert. Selon la tradition, porter sur scène un costume de la couleur en question suffirait à vous faire perdre votre talent, à couper vos effets, à multiplier les trous de mémoire, bref à transformer le passage sur le plateau en une longue torture renouvelée de l’Inquisition.

Notons que ce pouvoir terrifiant de la couleur verte est particulier aux théâtres francophones (on le retrouve au Québec). Dans les pays anglo-saxons, c’est le bleu qui est investi du même pouvoir, tandis que l’Italie proscrit le violet et l’Espagne le jaune.

Le vert n’a pas toujours été proscrit. C’était la couleur favorite de Molière. Souvenez-vous du « médecin des paroquets » dans « Le médecin malgré lui » et d’Alceste surnommé « l’homme aux rubans verts ». On prétend justement que c’est à cause de cet attrait pour le vert qu’il fut pris d’une crise mortelle sur scène, lors de la quatrième représentation du « Malade imaginaire ».

Mais le rejet du vert a peut-être des origines plus lointaines. Dans la teinturerie ancienne, il s’agissait d’une couleur facile à obtenir mais fort difficile à fixer. On mélangeait alors la couleur avec du vert-de-gris, hautement toxique. Comme on transpirait déjà beaucoup sur scène, le contact avec des étoffes vertes pouvait provoquer des empoisonnements parfois mortels.

Couleur du démon ?

D’autres prétendent que le vert était, au Moyen Age, la couleur associée au démon. La défiance envers la couleur verte aurait pu être transmise alors par les Confrères de la Passion, constructeurs et premiers propriétaires du fameux théâtre de l’Hôtel de Bourgogne. On observera au passage que les « Grands comédiens » dudit théâtre étaient des adversaires acharnés de Molière, lequel aurait pu privilégier la couleur maudite pour se démarquer visiblement de ses rivaux. Mais ce n’est qu’une hypothèse.

Enfin, certains affirment que les anciens éclairages (chandelles, quinquets et autres) « n’accrochaient » pas le vert, ce qui est une autre origine possible de la malédiction… encore bien vivace aujourd’hui.