Chroniqueur sur le site Atlantico, le « stratégiste » Dominique Trenet est en colère contre la quarantaine d’artistes « agents de silence » recrutés pour faire baisser les décibels nocturnes dans les quartiers branchés de la capitale. L’occasion est belle pour notre « stratégiste » de pointer bruyamment le milliard de déficit du régime des intermittents. Que le contribuable Trenet soit mécontent, pourquoi pas ? Mais cela n’a rien à voir avec le déficit du régime, qui se creuse quand l’artiste ne travaille pas. Or, ici, il travaille. Mais passons et voyons plus loin. « Agent de silence » : le terme interpelle. La vie moderne serait-elle si bruyante qu’il faille des artistes pour créer du silence ? Intéressant, car le silence est la porte d’entrée de l’intériorité. Et l’homme moderne a peur du silence car il a peur de la vie intérieure. Et voici le trader-bobo-parisien-noctambule invité par l’artiste à faire silence à la sortie de sa soirée « branchouille ». Lundi matin, bon pied bon œil ou gueule de bois, ce trader verra sur son écran de contrôle l’émission quotidienne par l’Etat de 500 millions d’euros de dette. Vendredi soir, la facture hebdomadaire des intérêts sera d’un milliard. Milliard quand tu nous tiens… Ce trader est un peu le symbole de notre modernité sans âme : frénésie le jour, frénésie la nuit, gueule de bois le matin, un milliard par-ci, un milliard par-là, et jamais une minute de répit pour entendre, avec l’artiste, ce cri assoiffé de l’intériorité : « A quoi bon toute cette agitation mon ami ? Pour quoi faire ? Où cours-tu ? »