Deux récentes décisions de la Cour Administrative d’Appel de Marseille viennent de rappeler qu’une commune peut engager sa responsabilité en annulant des spectacles programmés dans des festivals ou des manifestations culturelles ayant son soutien, même en l’absence d’un contrat entre la collectivité et les groupes ou artistes évincés.

Dans la première affaire, la commune avait annulé les représentations d’une troupe théâtrale dont elle avait auparavant agréé la programmation, en justifiant cette annulation par le fait que cette troupe n’avait pas participé à une conférence de presse organisée en vu du festival, qu’elle n’avait adressé son projet de contrat de cession des droits d’exploitation du spectacle à l’association gestionnaire de ce festival que quinze jours avant la date des représentations et qu’elle avait émis le souhait de prendre publiquement partie dans le mouvement mené par les intermittents du spectacle durant l’été 2003.

Ces raisons n’ont pas été jugées suffisantes par la justice administrative qui condamne la commune à des dommages-intérêts, d’un montant égal au cachet perdu, au motif : « qu’en annulant les représentations ainsi qu’elle l’a fait, la Commune de X a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ».

Dans la seconde affaire, la commune avait bien signé un contrat avec une association musicale, par lequel elle s’engageait à la doter d’une subvention et à mettre à sa disposition une salle municipale pour l’organisation d’un concert. Là encore, la commune a annulé cette manifestation quelques jours avant le concert, cette fois en raison de l’indisponibilité de son personnel compte tenu de la période électorale. Devant le Tribunal Administratif puis devant la Cour d’Appel, la commune a fait valoir, non sans mauvaise foi mais avec succès, que le contrat passé avec cette association était nul parce qu’il avait été signé par l’adjoint à la culture et que cette personne n’était pas habilitée à l’engager, faute de délégation du maire. Cependant, ces juridictions ont retenu la responsabilité pour faute de la commune, en relevant que : « la mobilisation de moyens techniques et humains nécessaires aux élections était un élément que la collectivité ne pouvait ignorer lors de la conclusion de la convention ; que, dans ces circonstances, en ayant pris des engagements qu’elle n’était pas en mesure de tenir, la commune de Y a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard de l’association Z ».

Dans ces deux affaires, il existe tout de même un petit « bémol », de nature à ternir la joie de ces justiciables d’avoir gagné leurs procès : ils ont obtenu ce résultat neuf années après l’annulation des spectacles, pour la première et dix années, pour la seconde… et cela n’est peut-être pas encore fini puisque les municipalités perdantes peuvent maintenant contester ces décisions devant le Conseil d’Etat.