Pour fêter ses quinze ans, L’Aria (Association des Rencontres Internationales Artistiques), a construit son programme autour de ses traditionnelles rencontres estivales. Du 16 juin au 25 août, elle présente, sous l’égide de son fondateur Robin Renucci et de son directeur Serge Lipszyc, 60 représentations et autant d’ateliers dans les villages reculés de Haute-Corse.

Perchée par endroits à plus de 1.100 mètres d’altitude, la vallée du Giussani a la beauté insolente des premiers matins du monde. C’est ici, que l’enfant du pays Robin Renucci, a choisi d’organiser depuis maintenant quinze ans les Rencontres Internationales de Théâtre en Corse. Tout a commencé par la création d’une association, l’Aria (Association des Rencontres Internationales Artistiques), qui signifie « l’air que l’on respire » mais également par extension l’Aghja « l’aire de battage du blé » en langue corse. Le principe de ce projet est de mêler dans la création théâtrale, des professionnels et des amateurs venus de tous horizons et de tous pays, des enseignants et des animateurs culturels, pour aller à la rencontre d’un public partenaire en lui offrant une vingtaine de spectacles créés sur place. Aujourd’hui, l’utopie est devenue une réalité qui essaime également en partenariat à Paris, dans le Lot et Garonne ou dans les Côtes d’Armor. Depuis leur création en 1998, les Rencontres ont accueilli plus de 1.500 participants venus de France et de l’étranger, monté près de 260 spectacles, donné 677 représentations dont 20 spectacles en langue corse, devant plus de 100.000 spectateurs. Pendant plus de deux mois, la commune d’Olmi Cappella accueille des stagiaires venus de Corse, de France et du monde entier, participant activement à la redynamisation d’une microrégion. « Nous avons transformé tous les handicaps en atouts. Les maisons qui n’étaient pas habitées sont devenues des gîtes ruraux. L’école a triplé son nombre d’élèves. Un atelier de socialisation a vu le jour ainsi qu’un office de tourisme. Quatre emplois permanents ont été créés au bureau ainsi que trois emplois aux cuisines. Le vide a créé l’appel, et le cadre associatif nous a permis de passer des propos aux actes » rappelle le comédien avec enthousiasme.

Une démarche d’éducation populaire

Hébergés dans les vastes salles entièrement rénovées du collège Battaglini, les apprentis-comédiens sont encadrés par une vingtaine de professionnels parmi lesquels, Nathalie Krebs, Serge Lipszyc, René Loyon, Paul Grenier, Alain Batis ou encore Gérard Chabanier. Après un mois de répétitions en commun, les pièces sont habituellement jouées au mois d’août en plein air sur les communes, de Pioggiola, Mausoléo, Olmi Cappella ou encore Vallica. Au détour d’une place de village, dans la douceur d’un champ d’oliviers, des milliers de spectateurs, touristes ou insulaires, se pressent chaque soir pour découvrir ou redécouvrir Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare, L’Orage d’Alexandre Ostrovski, La Savetière prodigieuse de Federico Garcia Lorca, Liliom de Ferenc Molnar ou Le Menteur de Corneille. Une adhésion individuelle de 20 euros est demandée pour assister à l’ensemble des spectacles. En retour, le public a rendez-vous chaque jour avec les participants des Rencontres (metteurs en scène, comédiens, techniciens) pour parler des représentations de la veille ou pour participer à des tables rondes et des ateliers de lectures à voix haute. Ouverte à tous, l’Aria s’inscrit dans une démarche exigeante d’éducation populaire dans l’esprit de Jean Vilar et du TNP. « Mon action en Corse s’inspire d’un long cheminement que je parcours depuis ma jeunesse : Celui de l’éducation populaire. J’ai rencontré le théâtre en découvrant les stages de réalisation qui se passaient à Valréas (84). Aujourd’hui face à l’aliénation du « citoyen client », appelé à être un consommateur dès l’enfance, l’éducation populaire constitue un vecteur actif d’émancipation de chacun » rappelle Robin Renucci.

Pôle théâtral

Les Rencontres d’été sont la partie la plus visible d’une action qui ne se limite pas à la période estivale. Tout au long de l’année, l’association intervient en organisant régulièrement des stages de théâtre et des ateliers d’écriture. Ces travaux pédagogiques ont donné lieu à la création de scénarii pour la télévision et le cinéma, d’œuvres dramatiques pour le grand écran, le théâtre et la radio, d’un opéra, de textes pour l’enseignement de la langue corse. Mais l’événement le plus remarquable fut certainement la construction du pôle théâtral, « A Stazzona » – la forge – sur la commune rurale de Pioggiola. Cet espace scénique dont les dimensions et les équipements répondent aux critères de la profession, possède une grande scène de 420 m2 pouvant accueillir 300 personnes, ainsi que 4 salles de travail. Ce véritable petit miracle en plein milieu rural est le fruit des efforts engagés par les quatre communes de la vallée du Giussani réunies en syndicat mixte pour faire face à l’isolement de leur territoire. Pour fêter son 15eme anniversaire autour des Rencontres, l’Aria a choisi de présenter durant tout l’été ses quatre dernières créations, et d’accueillir dans le Giussani les Tréteaux de France dont Robin Renucci est le président depuis 2011. « J’analyse ma nomination à la tête des Tréteaux de France comme une reconnaissance du long travail accompli en Corse. Je fortifie l’Aria en créant au sein de l’institution publique la même pensée philosophique et active ». C’est dans ce contexte que Robin Renucci a décidé l’année dernière de laisser la direction de l’association à son complice de toujours, Serge Lipszyc, qui l’avait merveilleusement mis en scène en 2009 au théâtre de la Michodière à Paris dans le Désiré de Sacha Guitry. « Dès mon arrivée, nous avons voulu utiliser notre nouvel outil théâtral pour y faire de la diffusion à l’année mais aussi pendant le mois qui précède les Rencontres et qui était habituellement dédié aux répétitions. C’est ainsi que du 16 juin au 25 août, nous organiserons plus de 60 ateliers, 15 spectacles et plus de 60 représentations dans les quatre villages de la microrégion, en plein air ou à la Stazzona » explique le nouveau directeur. Premier lever de rideau pour deux dates en juin puis en juillet avec « Juste la fin du monde », une comédie dramatique de Jean-Luc Lagarce, mise en scène par Serge Lipszyc. Et si vous passiez un été de théâtre dans le Giussani ?