Quand le Medef propose d’aligner l’assurance chômage des intermittents sur le droit commun des indemnisés, l’annonce fait boum. Cela devient une déclaration de guerre pour les uns tandis que la proposition est présentée comme une nécessité pour les autres. Retour sur une guerre larvée qui ne date pas d’hier. 

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Pour les partis de gauche ou de droite, les intermittents sont un peu à la culture ce que sont les cheminots aux transports : un cauchemar pour les ministres et les gouvernements en place. Même le talentueux ministre de la culture Frédéric Mitterrand ironisait lors d’une interview « ce dossier, je le laisse à mon successeur ». Mme Aurélie Filippetti, elle, n’aura pas pu éviter ce dossier plus qu’épineux.

Mais soyons clair, force d’évitement, les gouvernements successifs ont fini par laisser la situation se dégrader et les négociations s’annoncent explosives. « Cela fait des années que le sujet est posé et que, collectivement, on fuit nos responsabilités ; hé bien, pas cette fois ! » s’emporte Jean-François Pilliard, représentant du Medef.

Quant à Samuel Churin, porte-parole de la coordination des intermittents et précaires, cette proposition n’est autre qu’une déclaration de guerre qui fait craindre aux intéressés des négociations au rabais.

Retour sur une guerre larvée

medef1La dépêche est tombée le 12 février dernier. Comme ce coup de tonnerre de fin de soirées d’été, violent mais attendu. Les négociations étaient prévues et chaque camp savait que ça allait chauffer. Mais, l’annonce de la suppression pure et simple du régime spécifique des intermittents ne fait qu’allumer la mèche. Et là, c’est la goutte de trop.

Côté représentants des intermittents et syndicats, la ligne rouge est dépassée. Les intermittents occupent le soir même la rue de Valois, comme pour mettre l’État devant ses responsabilités. Des militants de FO, du Syndeac et de la Coordination des Intermittents Précaires se réunissent pour élaborer des plans d’actions. Alors que du côté CFDT, on souhaite ouvrir une convention tripartite sur l’emploi des annexes 8 et 10 et voir l’État participer au financement de l’assurance-chomage.

C’est un refus immédiat côté ministère d’Aurelie Filippetti. En attendant, la colère gronde et les intermittents crient à l’imposture sur le soi-disant déficit évalué par l’UNEDIC d’un milliard d’euros.

D’aucuns parlent de coup de bluff du Medef quand d’autres parlent de colère outrée des syndicats. Dans tous les cas, il y a de l’ambiance.

Déclaration de guerre ou coup de com du Medef

Il s’agit pour le Medef via une proposition choc d’aligner le régime de chômage des intermittents sur le régime général. Et si les ministres du travail, Michel Sapin et de la culture, Aurélie Filippetti montrent des dents et enjoignent les partenaires sociaux à ne pas toucher au statut des intermittents, la réponse côté Medef se fait cinglante : « Peu importe qu’au nom de la paix sociale et par volonté de préserver un électorat historiquement à gauche, Michel Sapin et Aurélie Filippetti exigent des partenaires sociaux à ne pas toucher au régime couteux des intermittents du spectacle : le Medef, lui, est décidé à donner un coup de pied dans la fourmilière » explique le vice président, Jean-François Pilliard.

Politique de la terre brûlée

medef2Pour Samuel Churin, il s’agit pour le Medef d’un très bon coup de communication, car la suppression pure et simple du régime est inenvisageable. « En fait, le Medef propose de ne discuter sur rien. On bascule tout le monde sur un régime libéral et l’affaire est jouée. Franchement, on ne s’attendait pas à cela ».

Pour autant, poursuit le représentant des précaires, « ce qui est à craindre n’est pas l’alignement de notre statut sur le régime général car ils n’oseront pas, mais c’est que nos propositions alternatives ne soient même pas entendues ».

Le comédien d’insister: « Si le Medef s’est permis une telle proposition, c’est peut-être pour balayer nos autres propositions notamment celles sur la protection des plus précaires et sur le quota des heures travaillées ».

Grèves annoncées

Rappelons qu’en 2003, la grève générale des comédiens et techniciens provoque l’annulation du festival d’Avignon, une première depuis sa création. En cause, le protocole d’accord signé par trois syndicats avec le Medef et qui revoyait à la hausse le nombre d’heures travaillées. 507 heures sur 10 mois pour 8 mois d’indemnisation.

Les mois qui viennent s’annoncent difficiles pour Madame Fillippeti qui espérait peut être céder le dossier à son successeur et pour les spectateurs, victimes eux-aussi de ce conflit.

Violaine DUSCH