Entretien avec Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication.



Madame la ministre, le statut des intermittents du spectacle va être renégocié avant la fin de l’année. Comment comptez-vous peser sur cette renégociation ?

Ainsi que j’ai pu l’exprimer, avec Michel Sapin (NDLR : ministre du Travail), devant la commission de l’Assemblée nationale qui a consacré ses travaux à l’emploi artistique, le gouvernement considère que le maintien d’un régime spécifique d’assurance chômage est légitime et essentiel au sein de la solidarité interprofessionnelle, en raison du caractère, par nature, discontinu, d’une partie des activités du spectacle. Il appartiendra aux partenaires sociaux de négocier les mesures susceptibles de favoriser l’allongement de la durée des contrats, et le cas échéant d’en réduire le déficit.

Mais il convient de rappeler, et c’est ce qui a été fait devant la commission de l’Assemblée nationale, que le coût réel des annexes 8 et 10 n’atteint pas les niveaux énoncés jusque là (de l’ordre du milliard d’euros) mais 300 millions par rapport au régime général. Le déficit du régime de ces annexes ne doit naturellement pas être négligé mais les particularités de ce régime répondent à celles des activités artistiques.

Le gouvernement favorisera les meilleures conditions des discussions dans la perspective de la future nouvelle convention dans le respect des compétences des partenaires sociaux.

Parmi les mesures proposées dans le rapport de la mission parlementaire commune « sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques », figure un renforcement de la contribution des intermittents les mieux insérés dans le marché du travail. Est-ce, pour vous, une piste de travail ?

Je veux rendre hommage aux commissions des affaires culturelles et de l’éducation ainsi que des affaires sociales pour le travail accompli après plusieurs sessions d’auditions qui leur ont permis de rencontrer l’ensemble des professionnels de la création artistique. Je tiens à en souligner la qualité, l’exhaustivité et les nuances, c’est-à-dire la réelle compréhension de ces métiers.

Ce rapport est à la fois une précieuse source d’information et un regard qui objective les conditions de l’emploi artistique. Le fait qu’il a été adopté à l’unanimité en est un signe fort. Il pose des questions de fond (structuration sociale des professions artistiques, pérennisation de l’emploi, garantie des conditions d’exercice, lutte contre les pratiques de concurrence déloyale…).  Il propose des pistes.

Il ne m’appartient pas de préjuger des réponses qu’apporteront les partenaires sociaux dans le dialogue qui va s’établir. Certains travaux en cours comme la loi d’orientation sur la création artistique, qui poursuit largement ces mêmes objectifs, contribueront en outre à répondre aux questions posées par le rapport.

Comment comptez-vous lutter contre les abus et remédier à des problèmes tels que celui des « matermittentes » ?

Les services du ministère de la culture et de la communication ont largement œuvré auprès de ceux du ministère chargé des affaires sociales afin que les droits à la sécurité sociale des « matermittentes » soient respectés.

C’est ainsi que la circulaire relative au régime juridique applicable aux personnes exerçant une profession discontinue pour l’accès aux prestations en espèces servies au titre de la maladie et de la maternité a été publiée le 16 avril 2013.

 Le Guso constitue-t-il toujours pour vous un outil adapté ?

Le Guso est un outil adapté pour faire respecter les droits des salariés. En effet, en utilisant le Guso l’employeur peut s’acquitter de toutes les formalités liées à l’embauche. L’artiste, quant à lui, bénéficie des dispositions d’une convention collective du spectacle et s’ouvre des droits sociaux grâce aux cotisations.

C’est en outre un dispositif de simplification qui concerne les employeurs qui n’ont pas pour activité principale le spectacle, donc ceux pour qui le respect des formalités liées à l’embauche serait le plus complexe à assurer. 

Pour finir, quel message souhaiteriez-vous adresser aux intermittents du spectacle ? 

Gagner la bataille de la formation et de l’emploi au bénéfice du redressement du pays est l’enjeu majeur du Gouvernement ; comme j’ai pu le dire déjà, pas de redressement productif sans redressement créatif. Je souhaite que la place et le rôle de la création artistique dans le développement social et la croissance économique de notre pays soient pleinement reconnus. Les intermittents du spectacle y ont pleinement leur part.

Le développement et la pérennisation de l’emploi face à la précarisation des situations professionnelles sont au cœur de mes préoccupations.

Propos recueillis par Serge PLENIER

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Photographie de Une – Aurélie Filippetti en déplacement au 58e Salon de Montrouge, le 14 mai 2013
(crédits : David Millier / MCC)