Ce sera un bel été. Du moins nous voulons le croire. Comme tous les étés, artistes et techniciens du spectacle donneront le meilleur d’eux-mêmes pour satisfaire un public toujours plus exigeant et d’autant plus avide d’émotions artistiques que la crise est bien là, avec son lot de restrictions et de sacrifices.

 Ce sera un bel été mais il précèdera un automne sans doute douloureux. Avant la fin de l’année, les partenaires sociaux, syndicats et patronats devront renégocier ce que l’on a coutume d’appeler le statut des intermittents, c’est-à-dire, plus précisément, les fameuses annexes VIII et X. On ne peut douter que certains profiteront de la disette financière pour tenter d’en finir avec ce qu’ils n’hésitent pas à nommer un scandale.

Depuis longtemps en effet, nombre de journaux et de sites internet tombent à bras raccourcis sur ce qu’ils considèrent comme un gouffre financier et une prime à la paresse et à l’inutilité. Le statut des intermittents serait, à les en croire, une aberration démagogique. Les intermittents ne seraient que des profiteurs qui abusent sans vergogne de la solidarité nationale.

Cela ferait rire si cette véritable escroquerie intellectuelle ne s’appuyait pas sur une logique prétendument comptable où les chiffres sont tordus à plaisir. Cela ferait rire surtout si, derrière ces discours malhonnêtes, il n’y avait pas la volonté plus ou moins avouée de stigmatiser ceux qui vivent de métiers difficiles où ils se mettent chaque jour en danger, loin des cachets mirobolants de quelques uns cités un peu trop complaisamment.

Nous avons voulu, dans notre dossier, tordre le cou aux approximations intéressées et aux sophismes. Non, les techniciens et les artistes du spectacle n’abusent pas de la solidarité nationale. Non, leur régime spécifique n’est pas un privilège indu. Il est une des conditions de notre rayonnement culturel, mais aussi la limite indispensable aux dérives d’un marché tout puissant.

En ce sens, il faut saluer les efforts déployés par Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, pour la défense de « l’exception culturelle » face aux partenaires européens, même si le résultat peut en paraître (forcément) limité. L’entretien qu’elle nous a accordé traduit surtout les limites de ses moyens d’action. Contraintes budgétaires et solidarité gouvernementale obligent.

Ces limites prouvent surtout une chose. Les gens du spectacle, les saltimbanques, doivent d’abord compter sur eux-mêmes et non s’en remettre totalement à l’Etat, quelles que soient les bonnes dispositions (réelles ou affichées) de ce dernier à leur égard. Rien ne dispense d’une réflexion approfondie sur le domaine du spectacle.

Cette réflexion est urgente. Les intermittents ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Le secteur du spectacle se caractérise par son extrême morcellement. Outre ceux qui relèvent uniquement des annexes VIII et X, on y trouve des fonctionnaires territoriaux, des salariés de droit privé à plein temps et des para-fonctionnaires. Le choriste de l’Opéra-Bastille ou le technicien d’un théâtre municipal, sans oublier le professeur de conservatoire qui donne aussi des concerts ou des représentations. Il est peu d’activités qui connaissent un tel éclatement, pour ne pas dire une telle atomisation. On ne pourra pas indéfiniment faire l’économie d’une remise à plat de l’ensemble. Le secteur du spectacle doit retrouver sa cohérence. C’est une question de survie.

Remettre en cause le statut des intermittents ? Pourquoi pas, à condition que cette remise en cause s’effectue par le haut. Ce statut, avec ses qualités, mais aussi ses imperfections, a sans doute l’immense mérite d’exister, mais il n’est qu’un strict minimum, le point en deçà duquel rien n’est admissible.

Les intermittents du spectacle ne doivent pas devenir la « chair à canon » de notre vie culturelle.

 

Lire les articles de notre dossier : 

Aurélie Filippetti : Le maintien d’un régime spécifique est essentiel

Intermittents vers une nouvelle réforme en 2013

Le saltimbanque et ses tréteaux

Intermittents : ça rapporte !

Pour un syndicat de tous les professionnels du spectacle