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Habilleuse pour le Moulin Rouge et créatrice de mode pour de nombreux événements, Juliette Costiou conçoit des vêtements avec des matériaux insolites.

Fille d’agriculteur dans les Hautes-Pyrénées, rien dans l’entourage familial de Juliette Costiou, ne la
prédisposait à devenir habilleuse pour le Moulin Rouge et créatrice de mode. A 21 ans, elle décide de s’échapper et de prendre un aller simple pour la capitale. Celle qui s’appelle encore Juliette Fatta-Tauzia est accompagnée dans l’aventure d’un ami d’enfance qui deviendra son époux, l’artiste peintre Michel Costiou. Dans les années 70, elle entreprend de restaurer les vêtements du music-hall et participe en tant qu’habilleuse à la dernière revue de Joséphine Baker à Bobino.

Plumassiers et carcassiers

En 1976, Juliette devient responsable de l’atelier « costumes » du Moulin rouge « Les costumes, le perlage, le pailletage, j’ai tout appris sur le tas, même si dans les Pyrénées j’avais obtenu un CAP de couture. Pour bien habiller une fille, il faut regarder, apprendre vite ». Au Moulin Rouge, Juliette croise le plumassier, le carcassier qui confectionne les armatures de robes, ajuste les ailes et les chapeaux mais aussi le chasseur qui se pique de connaitre tout le monde pour mieux rabattre les clients. « Aujourd’hui, le rythme des changements au Moulin Rouge est moins rapide. A notre époque, les filles n’avaient pas le temps de se changer. Il fallait que tout le monde soit sur scène en même temps. Il y avait le capitaine des Boys et la capitaine des Girls. Il s’agissait bien d’une revue avec tout ce que cela comporte de militaire… »
En plus de la ponctualité due aux horaires des deux spectacles quotidiens, il faut accepter de travailler tous les soirs, les week-ends et souvent les jours fériés. « Quand les costumes arrivent, les derniers jours de répétitions avant une revue, il faut être au point, repérer où se trouvent les pitons sur lesquels les vêtements et les parures vont s’accrocher et où il peut y avoir deux ou trois noms de danseuses différentes. La musique nous donne le laps de temps que nous avons pour changer les filles. Dans les coulisses, cela tient de la foire. Tout le monde va, vient, court. Pendant que certaines se déshabillent, d’autres rentrent en scène ».

Soutien-gorge en zinc

A ses heures perdues, l’infatigable chef habilleuse assiste Claude Roederer, le fondateur de l’Académie d’art, place des Vosges, où se bousculent alors les enfants des grandes familles françaises. Puis elle décide de quitter définitivement le strass et les paillettes du music-hall, afin d’ouvrir dans les musées parisiens et de province les premiers ateliers de costumes et de couture pour enfants. Avec la foi de la forgeronne, l’ex-passionaria des revues parisiennes se met à découper et souder du métal pour créer des chapeaux, des ceintures et des soutiens- gorge en zinc pour l’atelier Francis Arsène. Plus étonnant encore, elle conçoit pour une autre entreprise des vêtements entièrement réalisés en papier, organise un défilé de chapeaux improvisé à Madagascar ou à Champigny-Sur-Marne avec des femmes africaines.
Aujourd’hui entre Paris et la Bretagne, l’habilleuse devenue créatrice de mode, s’amuse à détourner pour la maison Cotten le petit logo de son fameux ciré jaune, pour le faire se promener en porte-jarretelles sur les cuisses des filles à Concarneau. De la créativité et de la patience avec le jeune public, Juliette Costiou n’en manque décidément pas. Dans les années 80, elle avait bien avant l’heure, créé des vêtements avec des matériaux de récupération, tickets de métro, bouteilles et autres déchets plastiques. Comme un juste retour aux sources de son inspiration.