Le plus ancien tour de prestidigitation répertorié en tant que tel est sans aucun doute le noble jeu des gobelets et des muscades. Si sa représentation sur telle ou telle fresque égyptienne est discutée, on ne peut oublier l’allusion de Sénèque, dans une de ses lettres à Lucilius, aux « gobelets et aux cailloux des prestidigitateurs » (praestigiatorum acetabula et calculi). Saluons en passant le sage Romain qui précise que le plaisir est gâché lorsque l’on comprend le mode d’emploi (effice ut quomodo fiat intellegam : perdidi lusum) : c’est la première fois que la magie est présentée comme un véritable divertissement.

Le jeu des gobelets a traversé les siècles et, à la fin du Moyen-Age, Jérôme Bosch nous laissera « L’escamoteur » un de ses meilleurs tableaux. Ici, tout le matériel est déjà là et ne déparerait pas sur la table d’un magicien moderne. On y retrouve les trois gobelets, les muscades (boules de liège) et même la baguette magique noire aux extrémités blanches appelée jadis « bâton de Jacob ». A la Renaissance, Rabelais appelle les escamoteurs « trejectaires ».

Il est vrai que, longtemps, l’escamotage, qui attend de devenir prestidigitation, se réduit à de longues routines de gobelet. Au XVIIIème siècle, dans ses « Nouvelles récréations physiques et mathématiques », Edmé-Gilles Guyot propose une interminable routine d’une trentaine de tours, enrobée d’un boniment fort pittoresque, mais qui paraîtrait parfaitement insupportable au public contemporain.

Après une éclipse (d’ailleurs relative), le plus vieux tour du monde tient de nouveau la vedette, notamment dans les spectacles de close-up et ce n’est que justice. Harry Houdini ne considérait-il pas que celui qui ne sait pas présenter le jeu des gobelets n’est pas un magicien digne de ce nom ?