Philippe Kaminski, ancien cadre de l’INSEE, a été président de l’Association pour le Développement de la Documentation sur l’Économie sociale (ADDES). Spécialiste de l’économie sociale et solidaire, actuel représentant en Europe du Réseau de l’Économie Sociale et Solidaire de Côte d’Ivoire (RIESS), il analyse pour nous le guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO), instauré en 1999.

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Philippe Kaminski, à quoi sert le GUSO ?

Le guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO) a été instauré en 1999. Il avait comme vocation principale, d’une part une simplification administrative pour les employeurs non professionnels du spectacle, d’autre part un meilleur recouvrement des cotisations sociales, ce par une mise en place d’un dispositif simple de traitement du calcul des cotisations et des démarches administratives pour l’employeur. Ces objectifs ont été partiellement atteints, plus par un énorme investissement de communication sur les obligations sociales et le devoir des employeurs que par une réelle simplification du dispositif.

En quoi la simplification du dispositif vous semble-t-elle un échec ?

Les exigences de l’ensemble des caisses sociales, des ministères concernés, des partenaires sociaux ont avec le temps transformé un effort de simplification en une surcouche administrative lourde et coûteuse. Une telle évolution entraîne des efforts financiers considérables, en personnel et surtout en maintenance informatique. Il est à noter que, à l’heure actuelle, ces efforts financiers sont tels qu’ils doivent êtres assumés par l’ensemble des caisses sociales du spectacle.

Un exemple de cette « simplification » : les associations qui n’ont pas de code Siret (parce qu’elles n’emploient pas de salarié) se voient obligées de s’inscrire à l’Insee pour en obtenir un, y compris pour un seul spectacle, ce qui n’était pas une obligation auparavant.

Cela a-t-il une incidence réelle au plan économique ?

Nous sommes en France où, par delà tous les talents, nous disposons d’administrations qui possèdent l’art de compliquer les choses. Au point de vue économique, il est surprenant de constater que des sommes considérables soient dépensées pour la gestion des salaires des intermittents par les caisses sociales (ces sommes sont directement prélevées sur les cotisations sociales ou leurs produits financiers) alors que la majorité de ces même caisses sont en déficit.

C’est un des rares domaines où l’employeur bénéficie de l’établissement d’une « feuille de paie gratuite », à l’exception des Chèque emploi service. Il est à noter que le coût de cette exception est assuré en grande partie par les banques.

Cette situation pourrait s’expliquer pour un particulier ou une association sans salarié, mais s’explique plus difficilement pour les employeurs tels que les collectivités territoriales, les comités d’entreprise, les associations avec salariés, les restaurants ou tout autre employeur non professionnel du spectacle éligible au Guso. Ces structures ont les moyens financiers d’assumer leurs obligations. Dans le même esprit, faire effectuer ce travail par une caisse sociale reviendrait à faire effectuer la comptabilité des entreprises par le Trésor public sous couvert de simplification.



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En gros, le Guso offre des prestations gratuites à des employeurs, aux frais de caisses sociales déjà déficitaires ?

Exactement. La charge financière de la réalisation du bulletin de salaire incombe à l’employeur, et non aux caisses sociales, et il paraît encore moins légitime de faire supporter ces charges par les cotisations sociales des salariés et des employeurs. Dans un contexte de remise en question permanente du statut des intermittents du spectacle, il est difficilement compréhensible de faire peser des charges supplémentaires de gestion sur les caisses sociales, principalement Pôle Emploi, et de revoir à la baisse les indemnisations.

Mais au moins ce service facilite-t-il la vie des employeurs, comme les collectivités locales ?

On peut raisonnablement en douter. La disposition appliquée ne permet pas aux collectivités territoriales, entre autres, de respecter le délai de 15 jours après le spectacle pour réaliser une déclaration et encore moins d’effectuer le versement des cotisations auprès du Guso, ni même celui du salaire auprès du professionnel du spectacle. Cette situation entraîne des pénalités de retard considérables (6 % de pénalité + 1 % par mois, ce qui est supérieur aux pratiques des autres caisses sociales). L’intermittent, quant à lui, doit constamment négocier les retards avec sa banque et payer des frais financiers…

Alors, quelles solutions ?

Nous pouvons considérer que le maillage des experts-comptables sur le territoire est suffisamment étendu, que le tissu associatif a fait émerger des initiatives de simplification administrative pour la gestion des salaires du spectacle, souvent antérieurement aux Guso, et que les collectivités locales, les comités d’entreprises ont également, en interne, toutes les compétences nécessaires. Il est à noter qu’une politique de gestion reposant sur ces compétences n’entraînerait, pour les caisses sociales, aucune modification dans leurs procédures habituelles de recouvrement des cotisations sociales ni aucun coût supplémentaire de gestion.

Se reposer à nouveau sur ces compétences permettrait :

  1.  De rendre la responsabilité du bulletin de paye aux employeurs.
  2.  D’imputer le coût administratif aux employeurs.
  3.  De rendre aux caisses leurs missions premières.
  4.  De réaliser une véritable économie pour les caisses sociales.
  5.  D’éviter l’ambiguïté de Pôle emploi qui est tout à la fois juge et partie.
  6.  De mobiliser les moyens de Pôle emploi à la lutte contre la fraude.

Sait-on réellement combien coûte le GUSO à la collectivité nationale ?

Actuellement il est très difficile de connaître la réalité du coût financier du Guso. Les chiffres sont contradictoires et les statistiques inaccessibles. Il serait intéressant de pouvoir connaître la réalité financière d’un tel dispositif (nombre de « paies » par catégorie d’employeurs, montant moyen de salaires, coût de traitement, montants reversés par les autres caisses sociales, charges de développement informatique et de maintenance, coûts des déplacements…), mais aux dires de certains conseillers du ministère de la culture et de certains syndicats, « le Guso coûte très cher ».

Le député Étienne Pinte qui s’intéresse depuis longtemps au statut des intermittents, comme vous le savez, a introduit une demande dans ce sens à la Cour des comptes.

Affaire à suivre, donc…

Propos recueillis par Olivier FRETTOIS

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