Des intermittents qui viennent en aide aux SDF. Voilà l’idée simple et efficace qui anime depuis deux ans l’association parisienne du Mouvement d’Intermittents d’Aide aux Autres.

Il est 9h30. Une centaine de repas sont à préparer et à l’étage de la MJC de la rue Mercœur, on bourdonne d’activité. Ce matin-là, le hasard a voulu que ce soit Adeline Darraux qui prenne les commandes et qui s’affaire derrière les marmites cuisant les repas qui seront distribués en barquettes d’ici deux heures.

Adeline Darraux, elle, préside aux destinées du MIAA l’association qu’elle a fondée et qu’elle continue à porter à bout de bras. Mais être présidente d’une association de terrain quand on est réalisatrice, autant avouer tout de suite que ce n’est carrément pas possible. Ce n’est pas possible dans une association caritative autre que le MIAA.

Ici, si on n’est pas disponible à cause d’un coup de fil proposant un travail à la dernière minute, comme c’est souvent le cas dans le monde des intermittents, ce n’est pas un drame qui remet en cause toute une organisation. Quelqu’un un autre prend la place. Ici, on fonctionne comme ça. Florence, entre épluchage de navets et propos sur les courts-métrages avec sa voisine de table, explique tout le bien qu’elle pense de cette gestion adaptée des emplois du temps. Ce qui lui permet de donner de son temps pour les plus démunis. « Quand on est intermittent, c’est assez difficile de s’engager dans une association. Pour des gens comme moi il est à la fois impossible de s’engager et impossible aussi de refuser du boulot. » Au MIAA, on s’est adapté et le planning des maraudes se fait tous les jours. Et ces maraudes dans la rue à la rencontre des plus démunis se font la journée. Là aussi une spécificité du MIAA, conséquence de la plus grande disponibilité de ses membres durant la journée. « 80% des maraudes se font le soir, car les membres des autres associations d’aide travaillent la journée, explique Adeline Darraux. Comme on est dispo la journée, on est les seuls à faire nos tournées le midi. On est complémentaires des autres associations. »

11 heures. Les repas chauds sont mis en barquette. Aujourd’hui ce sera pâtes, viande et pommes de terre. Il y a aussi de la soupe, des fruits, du fromage et du pain frais. Sans oublier le café et le thé pour les amateurs et quelques vêtements et produits d’hygiène qui trouveront preneur à coup sûr.

Descendre toutes ces marmites et ces cartons via un monte charge électrique, les répartir dans deux voitures qui emprunteront chacune un circuit différent, et en avant.

Comment repère t-on un sans-abri lorsqu’on roule dans le trafic parisien ? Tout d’abord par un coup d’œil exercé. A force d’enchaîner les maraudes, les bénévoles du MIAA, qu’ils soient intermittents, ou bien comme aujourd’hui, lycéens en fin de stage pratique, savent quelles sont les habitudes et les endroits. On sait que les gens seuls ne viennent pas forcément, alors que les groupes font plus spontanément des signes et savent d’avance où la voiture ira se garer.

Les habitués attendent fébrilement leur panier repas devant le coffre ouvert. Les autres, il faut aller à leur rencontre. On leur demande ce qu’ils veulent, on leur explique ce qu’il y a au menu du jour en se faisant comprendre à grand-peine, la plupart des personnes secourues parlant difficilement le français. L’hygiène est un souci important parmi ceux qui vivent dans la rue et beaucoup d’hommes font la demande de produits de rasage et de sous-vêtements. On ne peut leur donner que ce qu’il y a. C’est à dire trop peu vu les demandes.

La tournée continue dans les rues du 11e arrondissement. Dans le coffre, les sacs de nourriture et les marmites de soupe se vident petit à petit. Les rues du quartier ayant été visitées il est temps de terminer Place de la République.

La Place de la République, c’est un peu le grand rendez vous de ce que la capitale compte d’exclus. Un véritable échantillon des damnés de la terre entière en quête de la possibilité d’une vie meilleure. Dès que la voiture s’arrête sur un des bords du terre-plein central, il en arrive littéralement de partout. En l’espace de moins d’un quart d’heure tout ce qui reste a été distribué. « Désolé il n’y a plus rien ». Une phrase que bien souvent les bénévoles en maraude se trouvent à un moment obligés de répéter à ceux qui se présentent. C’est une chose que tout bénévole du MIAA découvre dès sa première maraude : on ne commence jamais par cette place. C’est une trop forte probabilité à ne plus rien avoir à distribuer ensuite. D’ailleurs il pourrait y avoir deux fois plus à distribuer que cela partirait aussi sec.

Le coffre vide, on s’en retourne rue Mercœur. On fait le point sur la tournée, on nettoie les ustensiles et on pense déjà à la maraude du lendemain. Une autre maraude se prépare, pour une autre journée, avec d’autres bénévoles qui prendront le relais.

Des gens en détresse dans la rue il y en a toujours, c’est vrai. Mais des intermittents capable de donner de leur temps pour eux, il y en a aussi et de plus en plus.

 

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