theatre-artisansLe Théâtre des Artisans, qui a ouvert ses portes en octobre dernier, a choisi de s’installer au cœur d’une barre d’immeuble. Un lieu original pour une scène tremplin.

Un immeuble du XIXème arrondisse- ment comme il y en a des milliers dans Paris, avec un drapeau indiquant le chemin. Pour entamer, au mois d’oc-tobre dernier, une nouvelle étape de leur carrière, Boris Van Overtveldt et Simon Gourfink se sont installés à côté de la loge du concierge. Une petite entrée, un comptoir et, derrière, la salle de spectacle : 50 places assises, avec une loge, une scène et un espace bureau. Bienvenue au Théâtre des Artisans.

Pourquoi des artisans ? « Parce que dans «artisan», on retrouve la racine latine «art», explique Boris. Originellement, «l’artisan» est celui qui met son art au service d’autrui. De même, les gens qui se produisent sur notre scène offrent leur travail aux spectateurs. C’est pour nous une notion fondamentale. » Comédiens, directeurs de compagnie, régisseurs de salles, Boris Van Overtveldt et Simon Gourfink sont eux-mêmes passés par tous les métiers qui jalonnent le parcours d’un artiste. Mais, las de voir des troupes sabordées par des théâtres unique- ment intéressés par l’argent et peu sou- cieux de l’avenir des artistes, ils ont relevé le défi d’ouvrir leur propre lieu.

Ce lieu, il a d’abord fallu le trouver et l’aménager, avant de chercher les artistes : cinq à six ans de travail et de réflexion ont été nécessaires avant la première, le 13 octobre dernier. Des années pendant les-quelles les deux hommes ont pris le temps de mûrir leur projet : proposer aux artistes un outil de travail abordable, pour éviter aux compagnies d’investir à fonds perdus. « Il nous est arrivé, par exemple, de ne pas demander de minimum garanti, explique Boris. Nous nous arrangeons également pour réduire au minimum les charges. Le but, c’est qu’une compagnie qui passe chez nous attire l’attention des diffuseurs sans perdre d’argent. »

Les compagnies ou les artistes admis à se produire sur la scène des Artisans sont sélectionnés selon un processus immuable, commerçant par la présentation d’un dossier contenant une compilation d’articles de presse et le CV des membres de la troupe, suivie d’une audition de 20 minutes. « Nous sommes ouverts à tout mais nous sommes particuliè- rement attentifs à l’importance de la dramaturgie dans l’ œuvre proposée, qu’il s’agisse d’ une création ou d’un texte de Duras. C’est notre critère essentiel », explique encore Boris. La porte est ouverte à toutes les trou- pes, de Paris ou d’ailleurs. En Janvier dernier, par exemple, le Théâtre de la Presqu’île de Granville, dans la Manche, a proposé aux Artisans quatre de ses spectacles. Un peu plus de six mois après l’ouverture, 11 compagnies se sont déjà succédées sur la nouvelle scène.

Celle-ci possède par ailleurs sa propre troupe. Ils sont sept comédiens, qui mettent en scène et programment leur propres œuvres. Avec quel succès ? Il est encore malaisé pour Boris de faire un bilan et de savoir si l’entreprise est viable. « On tire la langue, dit-il. Au début on profite de la curiosité des gens qui viennent découvrir le lieu, mais c’est sur la durée que cela se complique. Le secteur souffre de la crise ». Une crise économique, mais également sociale où, faute de moyens, le divertissement passe à la trappe. « Parfois je descend radicalement le prix des places pour permettre aux gens de venir, mais on ne peut pas le faire à chaque fois. » Cependant le théâtre a déjà un public d’habitués, et les voisins du dessus surveillent en passant la programmation, comme on surveille un programme télévisé.