Faire tourner un orchestre n’est pas de tout repos si l’on n’est pas au fait des subtilités du droit français… et surtout si l’on suit de mauvais conseils.

Un chef d’or­chestre étran­ger, par ailleurs gérant de la société organisatrice, a donné, avec la formation qu’il dirige, un concert en France, sur lequel l’attention du procureur de la République avait du être été appelée puisque celui-ci, le soir même du concert, faisait auditionner par la police, dépêchée sur place en urgence, les musi­ciens et leur chef, afin de s’assurer du respect de la réglementation du code du travail, au regard notam­ment du travail dit « dissimulé », autrement dit du travail au noir.

Ce dernier a dû être surpris car il avait pris la précaution d’interroger auparavant la Direction Départe­mentale du Travail et de l’Emploi, laquelle, après lui avoir délivré les autorisations de travail nécessai­res, les lui avait ensuite retirées, au motif que les musiciens de son orchestre avaient le statut de tra­vailleurs indépendants, probable­ment au vu des factures de pres­tations établies par chacun des artistes pour leur participation au concert.

On sait en effet que si le contrat entre un artiste et un producteur est présumé être un contrat de travail, cette présomption s’efface si l’artiste exerce son métier de façon indépendante, impliquant son immatriculation au registre du commerce.

La présomption ne s’applique pas non plus aux artistes reconnus comme prestataires de services établis dans un état membre de la communauté européenne et qui viennent exercer leur activité en France à titre temporaire et indé­pendant.

Pour autant, le procureur décidait d’engager des poursuites à l’encon­tre du chef d’orchestre pour délit de « travail dissimulé ».

Ce dernier était déclaré coupable par le Tribunal Correctionnel, puis innocent par la Cour d’Appel.

Cette juridiction estimait en effet que le Procureur n’apportait pas la preuve que les musiciens étaient salariés, que, par voie de consé­quence, l’infraction n’était pas dé­montrée et qu’en toute hypothèse, l’intention coupable, c’est-à-dire la conscience du prévenu qu’il avait de commettre une infraction, faisait défaut, dès lors que celui-ci avait sollicité l’administration française, qui lui avait finalement indiqué que ses musiciens avaient le statut de travailleurs indépendants.

Malheureusement pour lui, la Cour de Cassation a censuré cet arrêt. Elle estime en effet que la pré­somption de salariat impliquait que c’était au prévenu d’établir le sta­tut de travailleur indépendant de ses artistes et non au Procureur de la République. La présomption de salariat devient ainsi une pré­somption de culpabilité.

De toute évidence, les factures de prestations de services produites par le chef d’orchestre n’établis­saient pas ce statut. De toute évi­dence également, il ne faut pas toujours faire confiance à ce que vous indique l’administration … surtout si les éléments que vous lui fournissez ne sont pas les bons.