La rengaine est de sortie à chaque fois que se profile une renégociation autour des annexes 8 et 10 de l’Unedic : « Système abusif », « intermittents privilégiés » et dernièrement « le milliard d’euros » de déficit dont ils sont responsables. Profession Spectacle prend le contre-pied et vous propose de voir ce que l’intermittent rapporte.

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Un peu de nuance ne ferait pas de mal

Intermittents, vous coûtez tellement cher… Un milliard d’euros, c’est le montant du déficit du régime, selon la Cour des comptes.

Mais un peu de nuance ne ferait pas de mal. Selon un calcul de l’Unedic, le basculement des intermittents dans le régime général (suppression des annexes 8 et 10) ne générerait qu’une économie de 320 millions d’euros, et non un milliard.

Lors de son audition devant la mission d’information sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, Michel Sapin lui-même a tenu à préciser qu’il n’y avait « pas lieu de dramatiser » la situation financière du régime.

« La Cour des comptes fait une évaluation comptable, et pas une évaluation d’utilité publique […] On regarde ce que ça coûte sans s’intéresser aux retombées économiques que génère l’industrie du spectacle, avec des événements comme le festival de Cannes ou celui d’Avignon par exemple », regrettait ainsi Marie-Christine Blandin sur La Chaîne Parlementaire. La présidente de la Commission de la culture au Sénat reste « convaincue des aspects vertueux du système ».

Les emplois indirects oubliés du calcul 

Car en France, on a peut être pas de pétrole, mais on a de la culture. Le secteur pèse en effet 40 milliards d’euros dans l’économie française et génère 2 % du PIB de la France. Mais ces chiffres ne révèlent pas grand chose. L’impact économique est difficile à évaluer.

Les retombées sont diverses, diffuses et ne rentrent pas dans les cases d’une comptabilité analytique. « La dimension subjective propre à la culture s’accorde mal avec la rationalisation croissante dans laquelle on évolue », commentait au Huffington Post, Thomas Paris, économiste au CNRS et professeur à HEC. Un problème en ces temps de crise, où l’on cherche à grappiller chaque euro pour réaliser des économies.

Ainsi, lors d’un festival, on peut compter les entrées et les consommations, mais qu’en est-il des emplois indirects générés ? Des commerçants et des entreprises alentours qui profitent de cet afflux de clients ? Ce sont des travailleurs qui cotisent eux aussi à l’Unedic, mais au titre du régime général. Leur contribution n’est pas chiffrée, et encore moins prise en compte, dans le rapport des Sages de la rue de Cambon.

Et pourtant… elle compte !

Des chiffres et une image

Si ce que rapportent les professionnels du spectacle n’est pas facile à évaluer, il peut être grossièrement mesuré à la lumière de certains exemples. Selon une étude réalisée par l’AGFA en 2001, sur les 22,1 millions d’euros de flux économiques que suscite le festival d’Avignon, 18 millions bénéficient directement à l’économie locale. Autre exemple avec le festival des Vieilles Charrues qui rapporte près de 5 millions d’euros, avec près de 300 entreprises différentes sollicitées, dont la majorité basée en Bretagne.

Au delà des événements, le poids économique des professionnels du spectacle n’est pas à négliger. Ainsi, dans la région Pays de Loire, compte-t-on 4 065 salariés permanents parmi les détenteurs d’une licence d’entrepreneur de spectacles et 2 350 intermittents du spectacle indemnisés installés dans la région. Poids économique : 446 millions d’euros en valeur.

Professionnels du spectacle, vous n’êtes pas que des chiffres, vous êtes aussi une image, et un argument de développement. Et ce n’est pas le Premier ministre Jean-Marc Ayrault qui dira le contraire. En tant que maire de Nantes, il a fait de la culture un des axes de développement de sa ville. La culture est un instrument essentiel du rayonnement d’une région, pour obtenir une notoriété, améliorer le chiffre d’affaires pour les entreprises locales et développer le tourisme.

En cette période de crise, ces arguments mis bout à bout montrent bien que le jeu en vaut la chandelle, et que le système actuel, même s’il mérite des améliorations, rapporte bien plus qu’il ne coûte.

Jacques GUILLOUX

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