FritschDramaturge et metteur en scène mais aussi directeur de programmes de formation et de recherche, Luc Fritsch est l’auteur du Grand livre du théâtre qui retrace entre scène et coulisses, d’Epidaure à Avignon, 1 000 ans d’art dramatique en France et en Europe. Rencontre… 

Comment avez-vous construit votre ouvrage ?

En tant que chercheur, j’ai rassemblé toute une série d’éléments qui me permettait de retracer une histoire cohérente du théâtre. Mon but était de réaliser une synthèse de mes recherches, un livre accessible à tous, afin d’aider le lecteur à comprendre le théâtre moderne. J’ai donc opté pour une chronologie par siècle et non selon les mouvements, les courants ou les styles.

Existe-t-il selon vous un genre théâtral universel ?

La notion de théâtralité est par essence universelle. Par contre les pratiques sont singulières et propres à chaque culture. Au japon, le théâtre traditionnel Nô n’a pas changé depuis sa création au 14e siècle. Il est codifié d’une façon très rigoureuse, ce qui le rend en partie inaccessible au public occidental. Le métissage systématique de la pratique théâtrale est selon moi, un danger et une véritable chimère. Il est nécessaire d’utiliser les moyens propres à chaque civilisation et à chaque culture en fonction des désirs et des besoins du spectateur.

De quelle manière la place de l’auteur a-telle évolué dans la société française ?

À l’époque de Voltaire, un auteur qui vendait ses textes était méprisé par la bonne société. Cela s’appelait un auteur à gages. Les relations des auteurs avec les acteurs et les metteurs en scène ont toujours été conflictuelles. Il n’y a qu’à voir dans l’Histoire le nombre de plaintes adressées par les auteurs à l’encontre des comédiens de la Comédie-Française. Le début de la libération de l’auteur a commencé dans la première moitié du 20e siècle et s’est affirmée juste avant la Seconde Guerre mondiale.

Comment expliquez-vous que le comédien ait pris une telle importance dans le coeur du public ?

Le public a toujours été directement confronté aux acteurs qui sont les seuls vrais créateurs au théâtre. Jadis, le public participait parfois de façon très violente, en jetant des végétaux avariés ou en interrompant le spectacle. Il y a toujours eu ce rapport passionnel du public avec les comédiens. Ce qui a changé, c’est la spectacularisation du théâtre et l’avènement de l’acteur vedette à partir du 19e siècle.

Comment expliquez-vous la crise que traverse au théâtre le métier de comédien ?

Tant qu’un acteur ne disposera pas d’un revenu fixe qui lui assure tous les jours par l’exercice de son travail un minimum pour vivre, il ne lui sera pas possible de se projeter sereinement sur un projet artistique. Il faut donc réfuter le principe même de l’intermittence. C’est une idée qui va à l’encontre des fondements du théâtre qui exigent justement un partage sur une longue durée. Il faut quasiment deux ans afin de pouvoir établir un rapport de confiance avec son, ou ses partenaires et se risquer à jouer devant un public. C’est la durée qui fait la qualité d’une création et je ne crois pas qu’il soit possible de monter un spectacle en seulement six semaines pour passer ensuite à autre chose.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune comédien qui se lance ?

En dehors de sa formation théâtrale, un apprenti comédien doit s’intéresser aux sciences humaines. Il faut qu’il intègre les mécanismes qui régissent le fonctionnement de son corps et de son mental de manière à ce qu’il comprenne comment son imaginaire est en connexion permanente avec son physique. Pour cela, il est nécessaire que le métier d’acteur réponde à une vocation, à un appel immédiat et définitif et non à un simple désir.

Propos recueilli