Des premières rencontres « civilisationnelles » gallo-romaines au baroque en passant par Cluny et la Renaissance, des mystères médiévaux joués sur les parvis des cathédrales à la Comédie Française, en passant par les saltimbanques qui sillonnaient le pays, l’exception culturelle française s’inscrit dans l’histoire de notre pays.

Cela n’avait pas échappé à André Malraux quand, devenu ministre, il mit en place tous les dispositifs de protection et de développement de notre culture. Aujourd’hui un certain discours « libéral » semble vouloir remettre en cause cette politique en arguant qu’elle coûte cher à la collectivité et prêchant je ne sais quelle privatisation de la culture. Il est, sans doute, l’expression d’un regret de la grande période du plan Marshall durant laquelle nos amis d’outre-Atlantique, très prévenants, avaient songé à tout, jusqu’à nos contenus culturels diffusés par « Sélection du Reader’s Digest ». Mais Malraux en avait décidé autrement et pensait qu’il fallait se donner en France les moyens de notre indépendance culturelle, c’est ce que l’on a appelé l’exception Française.

Un système assez ingénieux de solidarité voyait le jour et devait sauver notre cinéma, dynamiser le spectacle vivant et promouvoir notre création artistique en aidant les professionnels qui ne pouvaient travailler de façon rémunérée que par intermittence. Bien sûr, il y eut des défauts que ne manquèrent pas de souligner les détracteurs du système et probablement reste-t-il à améliorer, voire faire évoluer de façon significative, le statut de la profession.

Nous donnons raison à Françoise Benamou* quand elle fait remarquer certaines dérives démagogiques qui vont à l’encontre de la démarche originelle:.. « L’idéal de l’excellence pour tous a cédé le pas à l’idéologie sous-jacente des années Lang, du rap pour tous et de l’excellence pour quelques-uns ». Cela a conduit à l’émergence d’une certaine élite adulée et subventionnée par l’état et le microcosme médiatique parisien, totalement hermétique aux petits comptables fascinés par le modèle anglo-saxon, mais également au peuple qui constitue le grand public du spectacle vivant et audiovisuel.

Mais, si nous partageons l’analyse de Françoise Benamou, nous refusons de jeter le bébé avec l’eau du bain et nous affirmons contraire à l’intérêt du public, des professionnels, et à notre pays tout entier, cette tendance à la normalisation européenne puis mondiale de l’exception Française.

 

*Françoise Benhamou, née en 1952, est une économiste, professeur des universités à l’université Paris-XIII et chroniqueuse française, spécialiste de l’économie de la culture et des médias.