C’est ce qui s’appelle « péter les plombs ». Le 14 juillet, lors des « Francofolies de La Rochelle », Damien Saez s’est lancé devant le public dans une violente diatribe contre Aurélie Filippetti présente dans la salle, et accusée de « faire copain copain avec les petits médias ». Il est vrai que tout le monde en a pris pour son grade : le cinéma français « financé depuis trente ans par des chaînes de télé », les animateurs de ces mêmes chaines faits Chevaliers des Arts et Lettres et, bien entendu la France repliée sur sa culture et ses villages.

Comme il se doit, les organisateurs des « Francofolies », coupables de lui avoir dit qu’il ne lui restait plus que quatre minutes à chanter, n’ont pas été oubliés. Le chanteur les a proprement invités à subir des choses pas convenables. On vous passera les autres termes galants utilisés pour ce jeu de massacre général.

Tout ce que Damien Saez a dénoncé n’est pas faux, loin de là. De plus, la provocation et la colère ont leur place sur une scène et ce n’est pas la première fois qu’un ministre se fait incendier en direct. Pourtant, il y avait quelque chose de gênant ce soir-là. Cet inventaire à la Prévert d’indignations diverses ressemblait furieusement à une série d’incantations, des incantations rendues encore plus lancinantes par les lumières de la scène et les cris du public. Cela finissait par ressembler à une véritable transe collective : les mots avaient moins d’importance que les hurlements d‘une révolte aphasique. Ce n’était plus un public que le chanteur avait devant lui : c’était une foule.

Il y avait peut-être une meilleure façon de commémorer le 20e anniversaire de la mort de Léo Ferré.

Serge PLÉNIER