C’est LE tourneur de la scène Rock en France. Sur le catalogue de Radical Production, que des pointures : Miossec, Arctic Monkeys, Placebo, Beck, Foo Fighters ou encore The Strokes. René Gentil, dit « Big René », est en charge du booking depuis plus de 1991, deux ans seulement après la création de la première structure en 1989 par Christophe Davy, dit « Doudou ». Il revient sur près de 25 ans de tournées et donne à Profession Spectacle sa vision du métier :

Comment est née Radical Production ?

Tout est parti des Thugs, un groupe de rock angevin de la fin des années 80, reconnu et qui a rencontré un grand succès à l’étranger. Le groupe bougeait beaucoup, et Christophe Davy qui les suivait, a monté une boîte pour encadrer leurs tournées. Rien n’existait à l’époque. C’était « Do it yourself » (Fais le toi-même). Au départ, il ne s’occupait que des Thugs, mais au fil des concerts, il a commencé à se faire un réseau et à proposer ses services à d’autres groupes. Le plus célèbre d’entre eux étant Nirvana. Inconnue jusque là, il a rencontré la bande de Kurt Cobain qui faisait la première partie des Thugs, a repéré le talent, et les a fait venir en France juste avant qu’ils n’explosent. De mon côté, je l’ai rejoint en 1991 et j’ai ramené avec moi des groupes punk rock français comme Parabellum ou encore les Sheriff. Puis, rapidement le catalogue s’est étoffé, et l’équipe aussi.

Comment expliquez-vous que vous soyez devenus les tourneurs quasi incontournables de la scène rock en France ?

On existe depuis longtemps, et dans ce métier, c’est déjà un exploit. C’est un milieu fragile économiquement. Notre fil conducteur, c’est le plaisir. Nous ne faisons tourner des groupes que s’ils nous plaisent, et c’est ce qui marche… Ensuite, les bons groupes attirent les bons groupes. Par contre on est exigeant dans la sélection. On ne fait pas dans l’éclectisme : c’est le rock. Après, c’est sûr qu’entre Miossec et les Foo Fighters, il y a un monde. C’est le rock au sens large. On doit aussi notre réussite aux connexions que l’on a su créer et entretenir au fil des années. Enfin, pour réussir à grossir, on n’a jamais compté nos heures, et au début, on se versait de petits salaires. Mais, c’est ce que l’on aime faire. Moi, par exemple, j’ai l’impression d’avoir commencé il y a trois ou quatre ans, alors que ça en fait plus de vingt !

Qu’est ce qui a changé dans le métier en 25 ans ?

Les outils de travail principalement. Au début on n’avait qu’une ligne téléphonique, une machine à écrire et un fax. Tout se faisait sur la route avec les groupes. Il fallait donc un bon paquet de cartes téléphoniques pour pouvoir appeler et caler les dates. A l’époque les moyens étaient rudimentaires, et tout se faisait oralement. Aujourd’hui, on a gagné en rapidité et en productivité, mais dans le même temps, la masse de travail a augmenté. Les groupes sont plus nombreux, les structures, les salles ou encore les festivals sont eux aussi plus nombreux. Mais le cœur du métier n’a pas changé. Ça reste du contact humain et surtout commercial. En revanche, le volet administratif est beaucoup plus lourd. On a besoin d’être entouré pour tout ce qui touche à la comptabilité ou encore au droit du travail…

Sur votre site internet vous parlez de « booking militant ». Qu’est ce que ça veut dire ?

C’est une façon de voir notre métier. On a la réputation d’être réglos. On n’est pas du genre à prendre l’argent et à se casser. On est passionné par ce que l’on fait, alors, lorsqu’on prend un groupe, on s’implique à fond et on le défend pour convaincre. Pour y arriver, il faut être agressif et battant.

Le live est un moment particulier…

C’est LA chose essentielle pour nous, c’est notre raison d’être. Et ce moment est unique. Pour les spectateurs évidemment, mais aussi pour nous. On vit quelque chose que le public ne peut pas vivre. On a participé au spectacle, on l’a rendu possible. C’est beaucoup de responsabilités et l’adrénaline est toujours là, car rien n’est jamais garanti dans une tournée : un accident, une dispute dans le groupe, un problème technique, et tout tombe à l’eau. Et puis c’est un éternel recommencement. Chaque tournée ou concert est différent. Les artistes changent, les festivals, les scènes et les attentes du public aussi. Le processus de préparation est le même, mais pour le reste, il n’y a jamais de routine.

Quels sont vos meilleurs souvenirs?

Il y en a tellement, c’est impossible de tout lister. Mais on se crée de bons souvenirs à chaque fois que l’on prend « une claque », en concert. Que ce soit devant des milliers de spectateurs ou non. Lorsque c’est réussi, on est doublement fier : d’avoir fait le bon choix d’une part, et de participer à quelque chose d’unique de l’autre. Ensuite, nos bons souvenirs sont une succession de rencontres avec des gens d’origine et de milieu divers. C’est enrichissant. Le live est un bon moment pour ça.

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