Avec les beaux jours reviennent les festivals. On sait ce qu’ils apportent aux villes qui les accueillent en termes de notoriété, prestige, retombées économiques, emplois, tourisme… Mais comment le leur rendent-elles ? 
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Le festival des Vieilles Charrues dans le Centre Bretagne

Les artistes, ces êtres fantasques, font-ils donc si peur aux municipalités qu’elles préfèrent confier le soin de gérer les festivals à des associations telles que l’Académie européenne de musique, créée en 1998 pour le festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, l’association du Festival d’Avignon, fondée en 1980, ou encore Jazz in Marciac, depuis 1978.

Beaucoup de ces municipalités ne sont pas à l’origine du festival : c’est le cas aussi bien d’Avignon, lancé par Jean Vilar, que de La Roque d’Anthéron, créé par Paul Onoratini, propriétaire du château et du parc de Florans où se déroulent la majorité des auditions. Dans ce dernier cas, les relations entre l’énergique fondateur – qui fut naguère maire de La Roque et conseiller général – et l’actuelle équipe municipale sont paraît-il assez fraîches. La musique a beau adoucir les mœurs, elles ne peut rien contre les querelles de clochers… La politique s’en mêle parfois aussi, comme à Orange où l’association qui préside aux destinées des Chorégies est présidée par le député UMP Thierry Mariani, adversaire de longue date du maire Jacques Bompard… Une convention a été signée entre les Chorégies et la mairie pour stabiliser les relations.

Qu’à cela ne tienne, les festivals sont trop importants pour les villes, en termes d’image et de retombées économiques, pour que les municipalités fassent la fine bouche. « Le festival, explique Gérard Bramoullé, adjoint au maire d’Aix-en-Provence, est un évènement considérable. C’est indispensable pour la renommée de la ville et son image internationale . Aussi importantes que les subventions que nous versons. »

Les villes prêtent des lieux

Toutes les villes mettent en effet la main à la poche : l’investissement consenti par la municipalité aixoise et les collectivités porte sur 6,4 millions d’euros sur les 19,1 millions du budget 2010. Sarlat dote son festival des Jeux du théâtre – le plus ancien de France après Avignon – de 45 000 euros. La Roque d’Anthéron alloue quelque 28 000 euros au festival international de piano (somme modeste au regard des 380 000 euros versés par le Conseil général et surtout du budget total de la manifestation, de plus de 2 millions d’euros). Et selon Xavier Magnin, chef de cabinet de Jacques Bompard, Orange subventionne l’association des Chorégies à hauteur de 152 000 euros.

Le cas des Vieilles Charrues, à Carhaix, mérite par sa rareté une mention spéciale : C’est le festival qui fait à la municipalité un don de 280 000 euros, lui permettant d’équilibrer son budget.

Les subventions en argent sonnant et trébuchant ne suffisent cependant pas à résumer l’engagement des villes. Avant tout, celles-ci prêtent des lieux. À Aix, c’est tout le centre-ville qui, le soir, devient une scène, depuis la cour de l’archevêché, transformée chaque année en théâtre de plein air, jusqu’au Théâtre de Provence inauguré voilà trois ans, en passant par l’hôtel Maynier d’Oppède, le théâtre du Jeu de Paume ou la cathédrale Saint-Sauveur. À Orange, sont gratuitement mis à disposition des artistes la chapelle Saint-Louis, les trois salles du conservatoire – avec pianos – où les solistes peuvent répéter, la salle des fêtes, le Palais des princes et bien sûr le Théâtre antique (des loges-bungalows sont installées à titre provisoire sur le parvis). A Sarlat, 21 spectacles se répartissent entre la Place de la Liberté, le jardin des Enfeus, l’abbaye Sainte Claire et le jardin du Plantier.

« Sarlat, c’est un patrimoine bâti, mais aussi un patrimoine culturel vivant, explique l’adjoint au maire à la culture, Pascal Bureau. Depuis le temps que le festival existe, il n’y a pas un comédien en France qui n’y soit pas venu » Encore faut-il qu’ils soient reçus et hébergés. À Aix, l’Académie de musique met à leur disposition des résidences d’artiste.

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La cour d’honneur du festival d’Avignon

Les municipalités s’engagent aussi à travers leurs différents services, de voirie ou de sécurité notamment. A Sarlat, par exemple, où trois représentations se déroulent sur la place de la Liberté pendant la première semaine de juillet, le marché doit être transféré ailleurs, au grand dam de certains habitants. A Marciac, deux parkings sont spécialement mis en place à chaque entrée du village. La sécurité sur le site est assurée par le festival, tandis qu’aux entrées de la ville, c’est la gendarmerie qui gère la circulation et assure l’ordre public. (La maréchaussée n’oublie d’ailleurs pas de présenter l’addition pour le surcroît d’activité occasionné à l’occasion des 17 jours du festival.)

Les villes s’y retrouvent, en termes d’emploi – à Aix, le festival emploie 42 salariés permanents et 250 techniciens l’été – et d’économie locale, même lorsque les municipalités d’accueil affirment que leur fréquentation touristique ne tient pas uniquement ou principalement au festival, à l’instar d’Annie Bersars, directrice du centre culturel de Sarlat (cette petite ville de 9 500 habitants reçoit cependant 8 000 spectateurs à cette époque).

Cet apport économique peut être inespéré pour certaines régions très dépressionnaires, comme le Centre Bretagne, auquel les Vieilles Charrues apportent une bouffée d’oxygène, ou pour certaines communes qui, sans leur festival, auraient peut-être été vouées à disparaître, comme Marciac. « C’est un avenir que son festival à offert à Marciac, souligne Nathalie Barrouliet, secrétaire générale de l’association « Jazz in Marciac » et responsable de l’Office de tourisme. On a pu entrevoir un horizon autre que celui du à l’exode rural. C’est vraiment un exemple de développement culturel et de pratique musicale dans un milieu rural ». Générant un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros, le festival de jazz a en effet permis aux commerces locaux de maintenir leur activité. Un cinéma et un espace consacré à l’histoire du jazz ont été créés et une salle de spectacle de 500 places est en cours de construction. À Aix-en-Provence, Gérard Bramoullé définit cette synergie entre municipalité et festival : « On joue gagnant-gagnant. »

Vincent Carminati et Mikaël Le Barz