L’article consacré à Nicolas Planchais dans notre dernier numéro a suscité une vive réaction de la part de ceux qui vivent différemment le métier – car c’en est un – de comédien voix-off. Président de « Les Voix », Patrick Kuban nous en dit plus sur un aspect mal connu de la profession.

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Voix-off, c’est un vrai métier ?

C’est un métier très structuré. Il y a des salaires. Ce sont des salaires d’usage pour les publicités et les documentaires. Pour ces derniers, l’activité est d’ailleurs très encadrée : il y a le système des DAD-R et des accords nationaux sur les salaires. Les DAD-R, ce sont des accords qui prévoient la rémunération des droits d’exploitation quand votre voix est utilisée sur différents supports (doublages et documentaires). Vous êtes alors rémunéré selon un barème fixé par les partenaires sociaux et re-signé tous les trois ans. Pour la publicité et tout ce qui est hors doublage, il n’y a pas de convention collective. Par contre, il y a des usages que nous avons transcrits sur notre site internet et qui reprennent les principaux cas de figure de la publicité (radio, télévision ou internet). Il y a en effet un complément de salaire qui s’applique pour chaque mode d’exploitation. Il faut se rappeler qu’avant il n’y avait que trois ou quatre chaines de télévision, maintenant il y a une centaine de chaines dont trente chaines nationales sur la TNT et nos voix peuvent être utilisées pour une campagne internet en restant sur les systèmes de « replay », Dailymotion ou Youtube, il s’agit d’une diffusion annexe, et cela aussi est rémunéré. Ainsi, à chaque séance d’enregistrement, on regarde les modes d’exploitation avec le producteur et on détermine une rémunération assez précise par rapport à ça. Maintenant, il faut noter que dans ce métier, il y a beaucoup de comédiens et très peu d’élus. Les producteurs travaillent principalement avec les comédiens qui ont l’habitude des contraintes de l’enregistrement. Et puis, c’est un véritable talent que d’arriver à faire passer un message à la radio ou à la télé avec aussi peu de temps et aussi peu de mots. Au delà des qualités vocales, c’est un vrai métier de comédien d’interprétation qui demande une adaptation au produit sur lequel on travaille. C’est un authentique travail artisanal en studio avec un producteur, sous direction d’acteur. Il y a toujours les voix d’un côté, et, de l’autre côté, ce que nous appelons les « oreilles ».

Comment est née l’association « Les Voix » ?

off22Elle est née de façon totalement spontanée, sur Internet. Il y avait une envie de la part des comédiens, de dialoguer, de se rencontrer. Nous avons donc créé un forum de discussion pour informer et puis, très vite, au bout de quelques mois, les comédiens ont demandé à ce que l’on crée une véritable association qui puisse avoir un site internet, les moyens de faire un peu de veille juridique sur les problématiques de contrat et d’organiser régulièrement chaque année des rencontres entre les comédiens mais aussi avec d’autres professionnels, comme les producteurs et les agents artistiques. Nous avons un budget prévu pour faire appel à un avocat spécialisé dans le code de la propriété intellectuelle. La deuxième partie de ce budget est consacrée au site internet et la troisième partie à nos actions de soutien, ainsi qu’à la fête que nous organisons une fois par an. Il y a donc un mélange de professionnalisme et de convivialité. Il s’agit aussi de redonner du lien entre les comédiens qui travaillent souvent isolément. Nous avons besoin de nous retrouver autour de valeurs communes.

Quelles valeurs ?

Nous avons une charte déontologique avec deux points principaux. D’abord, il s’agit de respecter les usages du métier notamment en matière de rémunération et de droits d’exploitation. En second lieu, nous avons édicté une sorte de règle par rapport aux studios. Nous considérons que le travail doit être fait en studio avec un producteur et un ingénieur du son. Dès qu’il y a prise de son à distance, cela doit se faire avec des professionnels. C’est pourquoi nous avons voulu encadrer le « home studio ». La plupart des comédiens sont plutôt des gens qui viennent du théâtre et n’ont pas de compétences particulières dans le domaine de la production. Ils n’ont pas à se lancer dans un système de prestation. Quand on se met à facturer ses prestations, on entre en concurrence avec ses futurs employeurs. Forcément, ça ne peut pas marcher. Dans le vrai marché de la voix-off, les gens sont des salariés, on paie nos cotisations. Nous défendons le salariat, et les employeurs sont très contents de voir une association qui dit : à chacun son métier. Si tout le monde fait tout, on ne fait pas tout bien.

Quel accueil réservez-vous aux jeunes comédiens désireux d’entrer dans le métier ?

Dans l’esprit de l’association, notre site internet doit pouvoir être lu par tous les comédiens qui veulent essayer le micro. Nous disons par exemple : méfiez vous des formations parce qu’il peut y avoir à boire et à manger. Ce n’est pas forcément le passage obligatoire et nécessaire. Il faut surtout être comédien. Les gens qui travaillent devant le micro et qui travaillent bien sont avant tout de bons comédiens. C’est ce qui est le plus important. Après, il y a les petites contraintes parce que, lorsqu’on est devant le micro, on parle à une seule personne alors qu’au théâtre on parle à trois cent personnes. Mais le métier est le même. Une école de voix à proprement parler, ça n’a pas vraiment de sens. Dans tous les cas, je pense, qu’il faut passer par le filtre de l’AFDAS.

Et comment fait-on pour rentrer dans votre association ?

Il faut que les gens aient du métier, avec un minimum de cachets dans le métier de comédien. Nous nous sommes calés sur les critères de l’AFDAS avec 42 cachets sur deux ans. Mais il faut qu’au moins la moitié de ces cachets soient en voix enregistrée, et dans cette moitié, une partie doit être en voix publicitaire. Il ne faut pas oublier que ce qui nous intéressait pour monter l’association, c’était cette partie publicitaire où il n’y a pas de convention collective. En fait, l’association est plutôt une plate-forme parce qu’il y a d’abord les adhérents privilégiés qui peuvent utiliser un forum de discussion, mais aussi un site d’information pour les non adhérents ainsi qu’une partie destinée aux professionnels qui peuvent y trouver, par exemple, des modèles de contrats ou des informations. En fait, cela définit assez bien nos trois objectifs : informer, rassembler et proposer.

Comment évaluez-vous le bilan de votre association ? De nouveaux talents voient-ils le jour ?

Nous avons deux ans et demi. Au départ, nous étions 80 et nous voilà près de 200 et nous rassemblons 75 % du métier. Il faut dire aussi que, dans les années 80, il n’y avait guère qu’une dizaine de personnes qui travaillaient dans le secteur. Maintenant, il y a beaucoup plus de monde parce qu’il y a, chez les annonceurs, une volonté d’avoir des voix nouvelles. Nous sommes aussi à l’écoute de ce phénomène et nous avons de nouveaux talents qui rentrent dans l’association, même s’ils sont parfois en dessous des critères.

Propos recueillis par Serge PLÉNIER

Les adhérents s’engagent :

  • à veiller à ce que les contrats de travail qui les lient au producteur mentionnent leur statut d’artiste-interprète et de comédien(ne), quel que soit le type d’enregistrement sonore (voix off, doublage, documentaires….)
  • à veiller à ce que les contrats de travail distinguent la prestation sonore, des droits d’utilisation, ces derniers faisant l’objet d’une rémunération distincte par mode d’exploitation prévu, pour une durée donnée, et pour des territoires définis.
  • à respecter les rémunérations d’usage en vigueur dans la profession ainsi que l’accord national des salaires du doublage et les rémunérations Dad-R associés. -à ne pas faire la promotion et la commercialisation du home-studio sur internet.
  • à diffuser cette charte pour consolider et encourager la professionnalisation de leurs métiers et le respect de leurs conditions de travail.