« Je me voyais déjà en haut de l’affiche », chante Aznavour. Sur les rêves de gloire prospèrent trop souvent des « agences de casting » qui ne sont que des entreprises de filouterie. Quels sont les pièges qui guettent les petits nouveaux ? Comment éviter les pièges et démasquer les escrocs ? Quels sont les critères de fiabilité d’une annonce ? Autant de questionnements que tout artiste qui débute devrait se poser… Enquête.

« Je me tourne vers vous car je suis allée passer une audition pour rentrer dans une agence de mannequin-figuration- film située sur le boulevard des Champs-Elysées ». Témoignage sur le net, signé Justine, d’une jeune femme qui a manqué être victime, semble-t-il, d’une escroquerie au casting. « Heureusement pour moi, je n’ai pas un physique de mannequin mais je suis comédienne, poursuit-elle. Ce qui s’est passé, c’est que j’ai eu ce qu’on pourrait appeler un « entretien », sauf qu’ils demandent juste quelques photos et ne vérifient même pas les références. » La boîte suspecte assure travailler avec trois magazines, la société Endemol, producteur bien connu de programmes pour la télévision, et plusieurs entreprises de casting à travers la France.

Pour faire bénéficier les clients de ses services, l’agence leur demande simplement de faire des photos professionnelles pour 1400, puis 950, puis 390 euros, en payant un acompte immédiatement, les autres chèques devant être encaissés au cours des mois suivants, « avant d’avoir fait les photos-relooking et studio », remarque Justine.

Sa méfiance éveillée, la comédienne a enquêté. Le siège social de la société, qui n’a d’ailleurs pas de numéro siret, « est une boîte chinoise qui dépend elle-même d’un autre siège social ». Le numéro de téléphone de l’agence correspond à une plate-forme téléphonique dont elle paye les services. Le site internet de l’agence « ne se trouve pas sur les pages google, il faut passer par un lien que donne l’agence elle-même ». Enfin, les entreprises de casting avec lesquelles l’escroc présumé affirme travailler « n’existent pas là où elles sont indiquées » et les trois magazines « sont très peu visibles sur la toile et inexistants en kiosque. »

Ça pue l’arnaque, en effet. L’agence en question fait par ailleurs l’objet d’une demande de renseignements de la part d’un autre internaute, qui indique : « J’ai passé une audition où j’ai été accepté, seulement je dois payer une somme avoisinant les 1 000 euros. » À ce prix-là, il n’est pas très difficile, en effet, de se faire « accepter »…

15 000 à 20 000 pigeons chaque année

Les escroqueries au casting prospèrent et le développement des émissions de télé-réalité a encore élargi le champ d’activité des arnaqueurs, qui y ont trouvé un vivier de gogos rêvant de célébrité sans rien connaître du monde du spectacle – et d’autant plus faciles à plumer. À en croire James Chabert, fondateur de l’association Stop Arnak Casting, qu’il créa après avoir été lui-même victime de ce type de tromperie, 15 000 à 20 000 personnes se feraient ainsi « pigeonner » chaque année par des marchands d’espoir sans scrupule. « En France, nous avons pu estimer le taux d’arnaque à environ 5% de tous les castings organisés. J’ai malheureusement peur que ce taux n’augmente dans les années qui viennent. Les escrocs ont le vent en poupe ! », déclarait-il dans une interview donnée en 2005 au site Webthea.

La plupart du temps, les aigrefins proposent à leurs victimes, contre monnaie sonnante et trébuchante, la réalisation d’un book, d’une maquette audio, ou un référencement sur internet, ou un stage de perfectionnement… Succès garanti à la clé : on fait miroiter au pigeon, qui a évidemment tous les talents, un débouché à brève échéance, qui lui ouvrira les portes de la gloire. Outre les sommes souvent importantes perçues en échange de leurs « services », les filous utilisent également les données fournies par leurs victimes pour constituer des fichiers qui permettront de leur fourguer par la suite une autre prestation, au besoin par le biais d’une autre société. Certaines offres peuvent cacher des pièges encore plus dangereux, des agences pouvant servir de recruteurs aux pornographes.

Comment éviter les pièges et démasquer les escrocs ?

D’abord, comme le soulignait James Chabert dans l’entretien donné à Webthea, « un casting est avant tout un entretien d’embauche dans les domaines du spectacle. On ne paie pas pour passer un entretien d’embauche. » Par ailleurs, il convient d’étudier la prestation proposée par le prétendu agent : s’il se présente lui-même de manière trop flatteuse, comme le numéro 1 du casting… De même s’il promet un emploi, le succès et la gloire, attention c’est probablement une arnaque : les vrais « pros » savent qu’on ne « perce » et qu’on ne s’impose qu’à force de patience, d’obstination et de travail.

Éric DUMONT