L’artiste ne travaille pas pour sa seule satisfaction. Sans public, et cela vaut pour toutes les disciplines, il n’est rien, ou bien peu de choses. Sa mission (car c’en est une) ne consiste pas à simplement mettre en forme ses états d’âme, mais bien à transmettre à ceux qui le regardent ou l’écoutent une émotion, voire un récit, bref à lui raconter une histoire, que cette histoire parle aux sens ou à la mémoire, voire aux deux.

Naguère encore, cette fonction de transmission s’opérait de façon toute naturelle. Dans l’ancienne société paysanne (pas si éloignée de nous), conteurs, chanteurs et instrumentistes rythmaient la vie quotidienne et les fêtes. Ils portaient la mémoire de la communauté, mais aussi les rites où s’affirmait le « vivre ensemble ». Parfois aussi, souvent même, ils constituaient une fenêtre ouverte sur le monde extérieur, le monde des villes ou des grands échanges. Cette société paysanne, dont ils constituaient une part essentielle, a pratiquement disparu mais assez tard pour nous laisser quelques joyaux dont notre société moderne a su faire son miel sans toujours en comprendre l’esprit.

Et puis, il y avait les villes où se développait une toute autre culture, celle des musiciens « savants », du théâtre, qu’il soit aristocratique ou populaire. Il s’agissait là encore de dire une histoire, une histoire pour faire rêver, émouvoir ou développer un récit des origines. Les « mistères » médiévaux rappelaient à la foi chrétienne. Corneille et Racine évoquaient la Grèce et Rome, servis par Mondory et la Champmeslé tandis que Shakespeare racontait à ses compatriotes l’histoire de leurs anciens rois. A mesure que la ville grandissait, le public se diversifiait et il fallut toujours plus de saltimbanques sur les places, de musiciens et de comédiens sur les théâtres.

Transmettre, mais transmettre quoi ?

Aujourd’hui, l’artiste doit toujours transmettre, mais que transmettre ? Les grands récits collectifs se sont effacés (sans disparaître tout à fait), mais les émotions éternelles sont toujours là : rire, pitié ou terreur. Elles ont trouvé de nouveaux véhicules avec l’image et le son enregistrés. Du coup, la tâche de l’artiste est devenue plus complexe et surtout plus exigeante. On lui demande l’excellence, mais aussi offrir une culture aujourd’hui fragmentée selon les genres, les exigences et les impératifs financiers. Au temps des grands blocs culturels a succédé une multitude de micro-cultures. La demande des élites n’est pas celle des quartiers défavorisés. Il y a un monde entre les dernières oeuvres de Philip Glass et le rap.

Et puis il y a ce que l’on appelle la culture « mainstream », c’est-à-dire finalement réduite à son plus petit dénominateur commun. Celle-là bénéficie de l’évidence économique : elle est rentable. Mais, est-elle satisfaisante? Savoir de nouveau raconter des histoires, mais aussi tirer le public vers le haut tel est sans doute le nouveau défi de tous ces artistes, ces saltimbanques qui se veulent des passeurs.

Lire les articles du dossier : 

Abbi Patrix : Transmettre en racontant des histoires

Gwendal : L’histoire du griot breton

Anne-Gaël Gauducheau : la « globe-conteuse »

Art Attitude : Quand l’art sublime « l’attitude »

 

Information pratiques :

Mondoral et réseau national du conte et des arts de la parole

Mondoral est un programme d’actions mené par quatre établissements (Le Centre des arts du récit en Isère, le Clio à Vendôme, Parole traverses à Rennes, La Maison du Conte de Chevilly-Larue). Chaque centre a sa spécificité en fonction de l’endroit où il se trouve.
Renseignements : www.conte-artsdelaparole.org

Le CLiO

Créé en 1981, le CLiO (Conservatoire contemporain de Littérature Orale) a pour mission principale de promouvoir et développer la connaissance et les pratiques artistiques de l’oralité en France. Compagnie dramatique et centre de recherche, le CLiO mène des travaux d’études et de création spectaculaire à partir de l’oralité et du récit. Par ailleurs, il dispose d’un fonds documentaire imprimé et audiovisuel qu’il élargit régulièrement depuis son installation à Vendôme et qu’il met à la disposition du public. Le CLiO propose également, tout au long de l’année, une quinzaine de stages et séminaires de formation à la littérature orale.
Contact : clio@clio.org – Direction : Bruno de La Salle

APAC : Association Professionnelle des Artistes Conteurs

Rassemblement d’artistes conteurs qui souhaitent apporter leurs voix sur la place de l’art de la parole et du récit dans la société. Espace de réflexion, de solidarité et d’actions collectives. Elle pose des questions liées aux réalités artistiques, administratives, déontologiques, juridiques et politiques de la pratique du métier de conteur.

Mail : apac@conteurspro.fr – Site internet : www.conteurspro.fr