Je lis que le dernier ouvrage d’Alain Finkielkraut – L’identité malheureuse – est en tête des ventes dans la catégorie Essais, et que ladite catégorie se porte bien. J’observe aussi le succès populaire d’essais historiques et culturels de qualité, comme Hexagone de Lorant Deutsch. L’auteur de La défaite de la pensée peut trouver ici un motif de réconfort, lui qui déplorait il y a 30 ans la déconnexion de la pensée et de la culture. Il concluait alors que « la vie avec la pensée cède doucement la place au face-à-face terrible et dérisoire du fanatique et du zombie ». 

Oh, certes, le constat garde son actualité ! Le débat public ressemble bien souvent à une pétaudière pour fanatiques et la culture de masse marchande (entendez principalement la téloche) semble fabriquer les zombies à cadence industrielle. Mais, je crois que la logique marchande ne parvient pas, malgré ses efforts, à éradiquer la culture. La vitalité créative du spectacle vivant et du cinéma en témoigne. Un excellent film ou spectacle peut faire salle comble sans moyens conséquents, ni couverture médiatique complaisante, ni budget de communication ronflant. Une production matraquée à longueur de colonnes peut faire un bide.

Si la culture résiste aux marchands, c’est que la pensée ne l’a pas tant désertée que ça. Et en résistant, la culture peut à son tour féconder la pensée, au-delà du format standard “médiatico-compatible”. Culture, histoire, pensée… Voici une “trinité” fascinante pour nourrir l’imagination créative, une articulation vitale qui peut rejoindre les aspirations populaires, pour ne pas livrer le plus grand nombre au « face-à-face terrible et dérisoire du fanatique et du zombie ».