L’idée est originale : le théâtre vient au secours de l’entreprise pour lutter contre le stress au travail. Une manière aussi pour l’entreprise de venir au secours du théâtre…

Feuilletez un journal d’entreprise et vous y contemplerez un vocabulaire que l’on retrouve peu sur les planches : rentabilité, productivité, objectifs, résultats, valeur ajoutée, plus-value, management, etc. Bienvenue dans le monde du business et du stress ! Que vient faire le théâtre dans toute cette affaire ? Il ne s’agit pas tant de divertir les salariés que d’appréhender un enjeu majeur : le stress au travail et les risques psychosociaux. Spécialiste du management de transition, Corinne Berthaud, une lyonnaise de 41 ans, dresse le constat chiffré : « 37 % des hommes et 24 % des femmes expriment un mal-être au travail, qui conduit à des pathologies diverses représentant 3 % des arrêts de travail. Aujourd’hui, 71 % des entreprises se disent préoccupées par l’augmentation du stress. Elles considéraient jadis que les problèmes personnels des salariés ne la concernaient pas. » Familière du monde de l’entreprise, Corinne Berthaud a vu la mutation s’opérer sous ses yeux : « Le stress au travail est devenu un véritable phénomène de société, insiste-t-elle. Une législation spécifique a été mise en place et les entreprises ont compris que la perte de valeur ajoutée pouvait être substantielle. » Si elle n’est pas artiste, Corinne n’en est pas moins créative : elle a eu l’idée de mettre le théâtre au service de l’entreprise : « L’objectif est de sensibiliser les dirigeants et de libérer la parole des salariés pour ouvrir un dialogue. Pour cela, je propose aux entreprises une convention de prévention des risques psychosociaux par le spectacle d’improvisation. Je travaille en partenariat avec des compagnies qui mettent en scène, à partir de la réalité vécue dans l’entreprise, des situations concrètes de stress. » Une manière singulière de donner aux uns et aux autres un regard extérieur sur ce qui se passe à l’intérieur de l’entreprise et d’eux-mêmes.

théâtre 22Un débouché pour les compagnies

Comédien et membre de « ET CoMPAGNiE – Théâtre Spontané », Jean- Luc Colin croit dur comme fer au concept : « Corinne a formalisé une offre originale, fondée sur un partenariat avec les compagnies. Elle fait le diagnostic dans l’entreprise et nous le traduisons sur scène à travers des sketches d’improvisation assez décalés. Cela implique pour nous d’être formés aux risques psychosociaux et de nous mettre à l’écoute des salariés via une immersion dans leur environnement de travail. » La compagnie lyonnaise y voit un double intérêt, artistique et économique : « Cela cadre bien avec notre ligne artistique – qui est d’expérimenter à travers la création spontanée en mélangeant les disciplines – et c’est une opportunité de diversification qui peut être payante ». « ET CoMPAGNiE – Théâtre Spontané » travaille déjà avec le monde de l’entreprise depuis plusieurs années, en proposant des spectacles de divertissement ou en intervenant dans des formations : « Ces débouchés sont importants pour la pérennité économique de la compagnie, précise Jean-Luc Colin. Ils nous donnent, par exemple, les moyens de faire vivre Spontanéous, un festival d’improvisation que nous avons créé à Lyon. Je crois que les compagnies ne doivent pas avoir peur d’aller vers l’entreprise. » A ce jour, Corinne Berthaud a scellé un partenariat avec trois compagnies et met toute son énergie à développer et faire connaître ce concept prometteur : « Je suis notamment en lien avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANAT). Je crois vraiment que les entreprises ont besoin d’espaces de dialogue pour résoudre ce problème crucial du stress au travail » , conclut-elle.