Les mentions qui sont portées dans un contrat ne sont jamais anodines.

L’exemple ci-après en est la démonstration. Une comédienne est engagée par le Théâtre de Marigny pour interpréter le rôle d’Elvire dans le Dom Juan de Molière, pour une série de 30 représentations, s’achevant le 31 décembre 2007. Son contrat comportait une clause dans laquelle il était indiqué : « L’ARTISTE ayant créée le(s) rôle(s) pour lequel elle est engagée, a priorité de droit pour une éventuelle tournée, sachant que les conditions générales, notamment financières, feront l’objet d’un contrat ultérieur avec le ou les producteurs de la tournée. Il est entendu que les conditions de l’engagement de l’ARTISTE seront négociées d’un commun accord et de bonne foi. ».

Il est probable que, dans l’esprit de son rédacteur, cette clause obligeait seulement le Théâtre de Marigny, s’il organisait une tournée, à proposer d’abord le rôle à l’artiste, avant de pouvoir solliciter d’autres comédiens, dans des conditions qui restaient en toute hypothèse à convenir. Les représentations au théâtre se sont terminées mais le Théâtre de Marigny n’a pas organisé lui-même la tournée qui s’en est suivie. Elle a été entreprise par un producteur indépendant, auprès duquel le Théâtre a invité l’agent de la comédienne à s’adresser.

Cependant, le metteur en scène s’étant opposé à son engagement, la comédienne a réclamé une indemnisation, qui lui a été refusée et l’affaire a été soumise au Conseil de prud’hommes. Lors du procès, le Théâtre de Marigny a soutenu que le droit de priorité de la comédienne ne pouvait s’appliquer que si le théâtre avait été le producteur de la tournée et que la clause qui figurait dans son contrat à cet égard ne pouvait avoir aucun effet sur le producteur d’une tournée, qui n’avait pas été partie au contrat et qui ne pouvait pas, par conséquent, devenir débiteur d’une obligation envers la comédienne.

La Cour d’appel, dans un arrêt du 24 novembre 2010 puis la Cour de cassation, dans un arrêt du 3 mai dernier (pourvoi n° 11-10501), lui ont donné tort, au motif qu’il importait peu que le Théâtre de Marigny n’ait pas lui-même organisé la tournée dès lors qu’en s’engageant à ce que l’artiste bénéficie d’une priorité, le Théâtre était responsable du fait que le producteur de la tournée n’avait pas ratifié cet engagement. En cela, il n’a été fait qu’une stricte application de l’article 1134 du code civil selon lequel : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. ».