Dans la plupart des contrats conclus pour l’organisation d’un spectacle, il est prévu une clause par laquelle la représentation pourra être annulée sans indemnité en cas de «force majeure». Pour être reconnu, en droit, un cas de force majeure doit être imprévisible, irrésistible et «extérieur», c’est-à-dire, étranger au contractant.

Une municipalité avait signé un contrat avec une société organisatrice de spectacles pour une représentation du chanteur Raphaël dans sa commune.

Il était indiqué dans ce contrat que : «le présent contrat se trouverait suspendu, résolu ou résilié de plein droit et sans indemnité d’aucune sorte en cas d’accidents indépendants des parties reconnus de force majeure, nécessitant la fermeture de la plupart des salles de spectacles tels que : calamités publiques, guerre, révolution, émeute, mouvement populaire, accident de la circulation, deuil national, grève, épidémie, maladie dûment constatée d’un artiste et tout autre cas de force majeure».

La veille du spectacle, la société organisatrice faisait savoir à la commune que le concert était annulé compte tenu de l’état de santé du chanteur qui nécessitait un repos de quarante-huit heures. A l’appui de cette affirmation, elle a produit un certificat médical prescrivant un tel repos.

Estimant que cette justification était insuffisante, la commune a demandé des dommages intérêts en réparation des frais qu’elle avait engagés. Elle a obtenu gain de cause en première instance mais la Cour Administrative d’appel a annulé le jugement et a rejeté ses demandes.

Saisi d’un pourvoi, le conseil d’Etat, rejugeant cette affaire, relève qu’il avait été prévu, dès la signature du contrat, que le concert en cause s’inscrivait dans le cadre d’une tournée, que l’état de grande fatigue du chanteur ne revêtait donc pas en soi un caractère imprévisible à la date de conclusion du contrat et que par conséquent l’annulation du spectacle ne peut être regardée comme un cas de force majeure.

Il aurait été plus juste d’affirmer que le chanteur ne justifiait pas d’une «maladie dûment constatée» comme l’indiquait le contrat (c’est ce qu’avait dit le tribunal) mais comment faire en présence d’un certificat médical qui ne peut ni ne doit décrire l’affection dont souffre le patient ?

La Cour Administrative d’appel avait ainsi admis ce certificat comme preuve de la maladie et donc du cas de force majeure. Le Conseil d’Etat a choisi une troisième solution, guère plus convaincante : si l’on a prescrit du repos à l’artiste, c’est qu’il était fatigué or, comme chacun sait, les tournées sont fatigantes. Si l’organisateur de la tournée le savait, il ne s’agissait pas, pour lui, d’un événement imprévisible et dès lors, il ne s’agit pas d’un cas de force majeure.

Pas toujours simple de justifier une décision de justice !