Le 1er octobre sort L’Apôtre. L’aboutissement de deux années de travail durant lesquelles cette réalisatrice indépendante n’a pu compter que sur elle-même. Elle revient pour Profession spectacle sur les embûches qui ont jalonné ce tournage.

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« J’y suis parvenue et je suis prête à recommencer. » Malgré les difficultés, elle a gardé la foi et l’enthousiasme. Deux qualités essentielles lorsque l’on est réalisatrice indépendante comme Cheyenne Carron et que l’on porte à bout de bras un film comme L’Apôtre. Dans son cinquième long métrage, elle nous plonge dans le quotidien d’Akim, un jeune musulman appelé à devenir imam. Mais le jeune homme voit sa vie complètement bouleversée lorsqu’il décide de se convertir au christianisme.

Un récit audacieux, à contre-courant. « Le sujet fait peur », reconnaît la réalisatrice, « dès que l’on parle de conversion et d’Islam, les gens sont réticents. » Mais elle a préféré « braver cette peur » en menant seule ce projet, car le sujet lui tient particulièrement à cœur. Avec à l’origine de cette histoire, un événement marquant de son histoire à elle. « Quand j’avais 19 ans, la sœur du prêtre de mon village a été tuée par un homme de confession musulmane. Après le meurtre, le prêtre a souhaité rester vivre auprès des parents du meurtrier, car il estimait que sa présence les aiderait à vivre. Cet exemple de charité chrétienne et de main tendue est le point de départ du désir de conversion du héros. »

Capture d’écran 2015-10-08 à 16.34.26Mais pour aller au bout, la jeune réalisatrice a très vite compris qu’elle ne pourrait compter que sur sa détermination. Pour le financement d’abord. « Je n’ai été aidée par personne, ni par les organisations catholiques qui avait promis de participer au projet, ni par le CNC (Centre national du Cinéma) ou les régions », se souvient Cheyenne Carron, qui peine aujourd’hui encore à comprendre cette frilosité.

Un mystérieux mécène

Qu’à cela ne tienne, c’est son audace qui va payer. « Après un nouveau refus, je suis tombée dans la rue devant une affiche du magazine “Challenges” qui titrait son numéro sur les 100 plus grandes fortunes de France ». Elle a alors décidé d’écrire aux dix premiers pour présenter son projet, en accompagnant sa demande du DVD de son film précédent (La fille publique). « Et ça a marché. Une des personnes m’a répondu et m’a aidée ». Une démarche logique pour la réalisatrice : « Quand les institutions sont défaillantes, il est naturel que ceux qui ont réussi par leur travail à bâtir des empires prennent le relais. » Un mystérieux mécène dont elle préfère taire le nom.

Son énergie, Cheyenne Carron l’a aussi dépensé à convaincre les techniciens de travailler sur le projet, ainsi qu’à trouver où tourner le film. « J’ai dû mentir. Les maires de communes voulaient à chaque fois me rencontrer, et les autorisations n’arrivaient jamais. » Elle a donc rebaptisé le film La boulangère de Montreuil, en référence au film d’Eric Rohmer La boulangère de Monceau. Une astuce payante « les autorisations sont très vite arrivées ». Enfin, même galère pour la distribution avec un partenaire qui l’a baladée durant des mois avant de l’abandonner.

Mais de toutes ces embûches, est sorti un film qui cherche à transmettre un message de tolérance interreligieuse et dont l’auteure est fière. Sélectionné dans divers festivals en Allemagne, Russie et Jordanie, il a déjà été récompensé au Vatican par le prix de la fondation Capax Dei. « C’est gratifiant, mais je fais du cinéma pour le public. C’est donc surtout sa réaction que j’attends. »