« La liberté devrait être la règle » 

Avocat au barreau de Paris, Maître Thibaut Casati répond pour Profession Spectacle à la question cruciale : l’ordonnance de 1945 est-elle encore d’actualité ? 

 

Casatimarteau-justiceprofession spectacle : Maître Thibaut casati, vous êtes le spécialiste du droit à « profession spectacle », que pensez-vous de La Législation actuelle concernant les professions du spectacle ? 

Thibaut Casati : À l’origine, l’objet de cette législation était de protéger les bonnes mœurs, d’assurer une police du spectacle et un certain protectionnisme — bien que cela ne soit pas un objectif affiché — en limitant l’accès des professions du spectacle aux étrangers.

Tout en reconnaissant son caractère désuet et inadapté, le législateur de 1999, qui l’a en partie réformée, n’est pas allé jusqu’à son abrogation. Les motifs invoqués portent sur l’attribution de la licence qui constitue une « reconnaissance professionnelle » dans un secteur où il n’existe pas de formation spécifique.

La réglementation permet, en outre, d’exercer un contrôle, notamment en ce qui concerne le respect de la législation du travail.

 

Précisément, cette Licence est-elle vraiment un bon moyen de reconnaissance professionnelle ? 

En réalité, on a du mal à comprendre les raisons qui commandent de réglementer une activité où la liberté devrait être la régie et dans laquelle la « reconnaissance » doit venir du public et non de l’administration. On imaginerait d’ailleurs mal que les autres expressions artistiques puissent faire l’objet d’une telle réglementation. Accepterait-on que l’on subordonne l’organisation d’une exposition de peinture à l’octroi d’une licence? Quant au respect des diverses réglementations (sécurité, législation sociale …), il est assuré par d’autres moyens. Il n’y a pas là une spécificité, par rapport aux autres activités, qui justifie l’application d’une réglementation spéciale. Réglemente-t-on les activités du bâtiment par une licence d’entrepreneur ?

 

En somme, il faudrait toiletter un peu plus la Loi ?

Je pense qu’en réalité il faut faire plus qu’un simple toilettage. S’il y a des éléments à retrancher, il convient aussi d’en ajouter, de la simple définition du spectacle vivant jusqu’à la réorganisation de la législation autorisant l’organisation de spectacles ou de productions audiovisuelles.

 

Pouvez-vous nous donner un exemple ?

Tout est à revoir. Par exemple en ce qui concerne la sauvegarde du patrimoine du spectacle, un article devrait stipuler que l’édification d’une salle de spectacles est soumise, outre les conditions prévues par les textes en vigueur, à une déclaration spéciale au ministre chargé de la culture ainsi qu’a la préfecture dans les départements et à la préfecture de police à Paris. Aucune salle de spectacles publics spécialement aménagée de façon permanente pour y donner des concerts, des spectacles de variétés ou des représentations d’art dramatique, lyrique ou chorégraphique ne peut recevoir une autre affectation ni être démolie sans que le propriétaire ou l’usager ait obtenu l’autorisation du ministre chargé de la culture. En cas d’infraction il appartiendrait au responsable de rétablir le lieu en son état originel sous peine de sanction.

 

On dit que Les intermittents coûtent cher à La collectivité, pensez-vous qu’il faudra s’attaquer au régime du chômage ? 

Il n’est certes pas question de remettre en cause le régime de solidarité et de mutualisation, mais de donner une autre orientation et de changer le mode de calcul aussi bien en ce qui concerne les recettes que les dépenses. Cette nouvelle forme de solidarité implique un profond changement des mentalités.

 

Pouvez-vous préciser davantage ? 

Jusqu’à présent l’axiome pour analyser la situation de cette population des intermittents du spectacle a été de la considérer comme une population différente, en dehors ou à l’écart du régime général. Ce regard a donc engendré un « statut particulier » qui entraîne de lourdes conséquences financières. En mettant au centre de la préoccupation les « Intermittents du spectacle », autrement dit le « statut de chômeur professionnel » et en appliquant une séparation comptable de ce régime particulier, nous avons perdu toute notion de solidarité et de mutualisation.

Il faut donc considérer le monde des professionnels du spectacle et de l’audiovisuel comme une entité solidaire et regrouper les cotisations de l’ensemble des acteurs des secteurs du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel (la cour des comptes estimant que le nombre des salariés de cette profession s’élève à 430 000). Mais nous nous écartons des compétences du juriste que je suis.

 

Ce n’est plus qu’à une modification de l’ordonnance de 1945 que vous appelez, mais à une nouvelle Loi sur Les professions du spectacle ?

En effet, il ressort de tout cela que l’ordonnance de 1945, au-delà des aménagements purement juridiques qu’il convient d’effectuer, témoigne d’une perception du monde du spectacle par les pouvoirs publics pour le moins décalée de la réalité. C’est pourquoi les députés Pinte et Kert, avec lesquels nous sommes en étroite relation, envisagent de déposer un projet de loi destiné à modifier en profondeur, mais pour plus de clarté, le statut des professionnels, ce qui aura pour conséquence de toucher aussi au régime du chômage tel qu’il se présente actuellement.

Propos recueillis

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