On sait que les justiciables peuvent désormais soutenir, par le biais d’une «QPC», soit une Question Prioritaire de Constitutionnalité, à l’occasion d’une instance quelconque, qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que garantit la Constitution. La juridiction qui est saisie d’une objection de cette nature doit la soumettre à la Cour de Cassation, qui examine notamment son caractère « sérieux ». Si tel est le cas, la Cour de Cassation la transmet au Conseil Constitutionnel, lequel a compétence pour dire si la « QPC » est fondée ou non. Il l’abroge s’il estime que la disposition législative est contraire à la constitution.

Deux individus étaient poursuivis devant la juridiction correctionnelle pour avoir exercé l’activité d’entrepreneur de spectacle vivant, sans être titulaire de la licence prévue par l’article L 7122-3 du code du travail, cette infraction étant réprimée d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros, aux termes de l’article L7122-16 du même code.

Afin de tenter d’obtenir leur relaxe, ils ont déposé une QPC invoquant l’inconstitutionnalité des dispositions de ces articles, en soutenant qu’elles portaient atteinte :

  • « d’une part, à la liberté constitutionnelle d’entreprendre garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en ce qu’elles ne répondent à aucune exigence constitutionnelle, ne sont pas justifiées par l’intérêt général, et créent une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre au regard de l’objectif poursuivi,
  • et d’autre part à la liberté d’expression artistique protégée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en ce qu’elles organisent un contrôle préalable non nécessaire, non adapté et disproportionné à l’objectif poursuivi. »

Par un arrêt du 21 juin dernier, la Cour de Cassation a décidé de ne pas transmettre la QPC au Conseil Constitutionnel, aux motifs que : « la question posée ne présente pas, à l’évidence, un caractère sérieux en ce que les dispositions légales critiquées ont pour objet de vérifier que l’entrepreneur de spectacles vivants présente des garanties de compétence, d’expérience professionnelle et de probité permettant de présumer qu’il exécutera ses obligations d’employeur en matière de droit du travail et de sécurité sociale et respectera les dispositions légales et réglementaires relatives notamment à la protection de la propriété littéraire et artistique et à la préservation de la sécurité des spectateurs, sans qu’il en résulte des atteintes disproportionnées à la liberté d’entreprendre ni à la liberté d’expression. »

On est loin d’être convaincu. Si la compétence, l’honnêteté et le respect des dispositions légales et règlementaires passaient par la règlementation des activités professionnelles, il faudrait toutes les réglementer ! Il parait plus légitime de penser que s’il y a une activité où la liberté devrait être la règle et dans laquelle la reconnaissance devrait venir du public et non de l’administration, c’est bien celle du spectacle vivant.